PAS DE DEUX
Au moins, cela reste en famille. Eva Ionesco a écrit Une jeunesse dorée avec son compagnon (on dit comme ça, aujourd’hui) Simon Liberati. La méthode a un avantage : elle évite d’aller au bureau. Ce scénario à quatre mains ne s’explique peutêtre pas uniquement par des habitudes casanières. Travailler ensemble ne signifie pas forcément en faire deux fois moins. Le contraire est sans doute vrai. Il est déjà compliqué de noircir des pages, si en plus il faut attendre ce que l’autre en pense, on ne s’en sort pas. Certains y ont pris goût. Les frères Coen sont inséparables. Cette collaboration a donné les films que l’on sait. Dans le cas des Dardenne, le résultat laisse songeur. Leur oeuvre, qui plaît tant, ferait passer les romans de Houellebecq pour du Wodehouse. Ce partage des tâches demeure un mystère. Qu’aurait produit Boileau sans Narcejac ? Paris aurait-il brûlé différemment si Lapierre n’avait pas eu Collins ? Tout cela ne multiplie-t-il pas les occasions de dispute ? La jalousie doit bien rôder autour de la table. Les Goncourt, cependant, n’envisageaient pas de signer séparément. Quant aux frères Wachowski, ils ont résolu le problème en devenant deux soeurs. Dans son genre, Jacques Laurent fut un champion. Il était un pluriel à lui tout seul. Ses pseudonymes se comptaient sur les doigts. On ne partage jamais mieux qu’avec soi-même. Nous continuerons pourtant à nous demander, chaque fois que nous monterons dans un ascenseur, qui sont ces Roux et Combaluzier.