Abdelaziz Bouteflika
Président et candidat malgré lui ?
Au pouvoir depuis 1999, gravement diminué par les séquelles d’un AVC et quasiment invisible en public, le président algérien pourrait briguer un cinquième mandat, même si cette candidature n’est toujours pas confirmée. En tout cas, tel est le souhait des caciques du régime.
Abientôt 82 ans, ne se déplaçant (rarement) qu’en fauteuil roulant et limitant ses apparitions publiques au strict minimum, Abdelaziz Bouteflika n’est plus que l’ombre de luimême. Pourtant, le numéro un algérien pourrait briguer un cinquième mandat lors du scrutin d’avril. L’information n’a pas été confirmée par l’intéressé, mais cette candidature surréaliste a d’ores et déjà reçu le soutien des quatre partis de la coalition au pouvoir : le tout-puissant Front de libération nationale (FLN), le Rassemblement national démocratique (RND), le Rassemblement de l’espoir de l’Algérie (TAJ) et le Mouvement populaire algérien (MPA). L’institution militaire ne s’y opposerait pas, ce qui vaut quitus dans un pays où les galonnés font la loi…
Ancien combattant de la guerre d’indépendance (selon le défunt Pierre Messmer, Abdelaziz Bouteflika aurait été impliqué dans le massacre des harkis en 1962), il a ensuite fait toute sa carrière au FLN, cumulant les maroquins ministériels, jusqu’à son élection à la magistrature suprême en 1999. Détail qui compte : il cumule les fonctions de président de la République et de ministre de la Défense. Depuis son AVC de 2013 (il fut soigné à l’hôpital du Val-de-Grâce, à Paris), il vivote en reclus dans une résidence médicalisée et seuls ses proches ont accès au vieux moudjahid. Atteint dans sa mobilité et son élocution, le caïd d’Alger est donc aussi invisible qu’inaudible. A tel point que certaines rumeurs le donnent régulièrement pour mort. Afin de démentir ces bruits aussi déplaisants que récurrents, l’entourage présidentiel a annoncé que le chef d’Etat serait présent lors de l’inauguration de trois grands chantiers de la capitale, le 24 février prochain. Au programme de la tournée : la grande mosquée et l’aérogare d’Alger et une raffinerie de pétrole. Ce sera peut-être l’occasion de présenter officiellement sa candidature, la date limite pour déposer les dossiers étant fixée au 3 mars. A ceux qui doutent de cette éventualité, le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, assure qu’« il n’y a aucun doute ». Et d’ajouter pour anticiper les ricanements : « Il a eu un AVC en 2013 et il a remporté la présidentielle en avril 2014. » CQFD.
On l’aura compris : qu’il le veuille ou non, et si tant est qu’il jouisse encore de son libre arbitre, Abdelaziz Bouteflika ira dans l’arène. Ainsi en ont décidé les caciques du régime, qui ont tout à perdre en cas de renouvellement de génération et de changement d’orientation. Il existe néanmoins quelques voix discordantes, comme celle du général (en retraite) Ali Ghedir, qui le supplie de renoncer dans une lettre ouverte publiée par le quotidien El Watan : « Frère Président, vous avez assez fait pour ce pays […] pour qu’une minorité se serve de votre image, de votre passé et de l’affect populaire à votre égard pour monter des stratagèmes qui n’ont d’autre finalité que d’assouvir des desseins d’accaparement d’un pouvoir qu’elle sait hors de sa portée par les voies normales. » Et plusieurs formations politiques ont décidé de boycotter le futur scrutin.
Quels que soient les résultats de cette élection, l’avenir de l’Algérie est sérieusement hypothéqué et l’aprèsBouteflika (ce n’est qu’une question de temps) ne laisse pas d’inquiéter les spécialistes. Car le président algérien, comme Kadhafi et Ben Ali autrefois, s’il n’est pas vraiment un modèle de démocratie, a eu au moins le mérite de tenir son pays. On sait ce qu’il est advenu des printemps arabes dans la région et on connaît leurs retombées indirectes chez nous…