Le Figaro Magazine

Stéphanie Le Quellec

On peut à 37 ans, être mariée depuis quinze ans, avoir trois enfants et mener de front sa carrière

- Chef de La Scène, restaurant gastronomi­que du Prince de Galles. Propos recueillis par Laurence Haloche

Al’annonce de sa deuxième étoile, décernée par le Guide Michelin, la chef de La Scène, restaurant gastronomi­que du Prince de Galles qui fête ses 90 ans, en est restée comme deux ronds de flan : jambes coupées, souffle court, mots qui manquent… Depuis, la jeune femme, révélée au grand public dans Top Chef en 2011, a retrouvé ses esprits pour évoquer un métier où le travail porte tôt ou tard ses fruits.

Cette étoile, c’était un rêve ?

Depuis mes débuts, je n’ai travaillé qu’avec des chefs 2 et 3 étoiles. L’étoile, ça reste un graal, mais ce n’est pas un élément moteur pour autant. L’important, c’est la cuisine, le bonheur des clients. Après la première étoile obtenue au bout de neuf mois, il m’a fallu cinq ans pour construire une équipe solide, une clientèle, affirmer ma personnali­té dans l’assiette…

Comment définir votre cuisine ?

Simple, franche, droite, authentiqu­e, qui touche à l’essentiel.

L’impact économique de cette nouvelle distinctio­n a-t-il été immédiat ?

Quatre cents couverts réservés le premier jour, 1 000 la première semaine. D’un seul coup, vous entrez dans le top 100 des tables françaises. Les clients fidèles, qui sont les plus beaux témoins de notre réussite, viennent fêter ça avec nous, et puis de nouveaux découvrent la table. Le restaurant est complet pour plusieurs semaines.

Plusieurs femmes figurent au palmarès cette année. Une évolution positive…

Des jeunes femmes arrivent aujourd’hui à des postes à responsaEt bilités. J’espère que cela va aller crescendo, mais je ne me suis jamais revendiqué­e comme féministe. Il n’y a pas pour moi une cuisine de femme ou d’homme ; on fait un artisanat, un métier d’ouvrier où seule la compétence compte. Rien n’est plus terrible pour une femme qui travaille dur que de se dire qu’elle est là pour répondre à une politique de quotas.

Deux étoiles et trois enfants… comment faites-vous ?

Je ne dis pas que c’est facile, mais je suis la preuve que l’on peut, à 37 ans, être mariée depuis quinze ans, avoir trois enfants et mener de front sa carrière.

Quelles qualités vous ont aidée à réussir ?

Avoir le feu sacré, travailler dur, ne rien lâcher… Il ne faut pas vivre ce métier comme une contrainte mais comme le moyen de s’épanouir. J’ai fait des concession­s mais je ne les ai pas vécues comme telles.

Des valeurs à transmettr­e ?

On a la chance d’être dans un métier qui reconnaît les valeurs du travail. cela peut aller très vite… J’ai pris le Prince de Galles à l’âge de 30 ans.

Comment vivez-vous les manifestat­ions des « gilets jaunes » qui perturbent le quartier chaque samedi depuis des semaines ?

C’est une période très compliquée pour nous. Je comprends qu’il y ait des revendicat­ions, qu’il faille faire bouger des choses dans ce pays mais la méthode, in fine, me semble contre-productive. On a fermé le restaurant trois semaines d’affilée, à l’hôtel, on a eu des annulation­s… C’est difficile, mais ici nous avons la chance de bénéficier d’une structure solide. Ce n’est pas le cas de nombreux petits commerçant­s qui souffrent énormément.

S’offrir une grande table est un privilège. Où aller pour se régaler sans trop dépenser ?

On peut manger très bien dans notre pays pour 25 ou 30 euros. A Paris ou en province, il y a une vraie dynamique : beaucoup de jeunes s’installent, ils font une excellente cuisine d’auteur, raisonnée, avec de bons produits…

Quels produits peu coûteux cuisiner en ce moment ?

Allez sur les marchés, achetez des betteraves, des produits tripiers, des bas morceaux de viande… Quand on fait un petit peu de cuisine, le panier moyen baisse très vite. Un plat mijoté, ça se débrouille tout seul.

A quand un restaurant à vous ?

La vie est faite de cycles et de challenges. J’aurai peut-être un jour envie d’autre chose mais, pour le moment, je veux asseoir cette deuxième étoile et lui donner plus de résonance encore.

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