de François d’Orcival
Partisan de la négociation, le nouveau patron canadien de la compagnie est sur le point de ramener le calme dans l’entreprise.
Al’heure de la transparence partout, la recette d’une bonne négociation, c’est le secret ! Exemple : Air France. Le groupe (avec KLM) aura établi un record enviable en dépassant les 100 millions de passagers transportés en 2018, et un record moins brillant (sans KLM), celui d’un conflit social qui aura coûté 335 millions d’euros et perturbé 2 ou 3 millions de passagers. Double défi, l’accroissement des résultats et l’assainissement de la culture syndicale, que le nouveau patron devait relever. Pour une fois, l’Etat actionnaire (en l’occurrence Bruno Le Maire) aura non seulement fait le bon choix, mais s’y sera tenu. Héritant d’une situation sociale bloquée, le conseil d’administration va chercher son directeur général, en plein mois d’août dernier, au Canada ! Il s’appelle Benjamin Smith, 47 ans (vingt à Air Canada), et son pedigree ressemble aux escales d’un long-courrier : mère chinoise, père australien, né à Londres, canadien. Surtout, c’est un as de la négociation. Quand il s’agit de retirer Air France des mains du syndicat des pilotes, cela se paie cher : 900 000 euros par an (et autant en part variable). De Mélenchon à DupontAignan, la moitié de la classe politique s’étrangle : un étranger ! Un salaire « mirobolant » pour un choix « déplorable » ! Et l’intersyndicale de la compagnie (17 syndicats) appelle à bloquer cette nomination. Heureusement en vain.
En arrivant, « Ben » Smith calme le jeu, par des mesures salariales pour engager au plus tôt la négociation capitale avec les pilotes (3 600). Car tout dépend d’eux. Or, une discussion avec eux tient d’un Conseil des ministres : tout ce qui se dit fuite aussitôt. D’où rumeurs et surenchères. Avec Ben Smith, la règle devient : le secret ou rien. A la première fuite, on arrête. Il nomme un nouveau patron à Air France, une directrice générale de 49 ans, Anne Rigail, vingt-sept ans dans « l’aérien », au moment où le bureau du SNPL
(le syndicat des pilotes) change aussi. Alors, on peut négocier, jour et nuit. En six semaines, un accord est bouclé (hausses des rémunérations en échange de plus de productivité pour la compagnie). On attend le vote des pilotes.
Aux sénateurs qui l’auditionnaient, Ben Smith a dit : « Notre argent, on le gagne à l’étranger, mais nos salaires, on les paie en France – nos charges nous coûtent 700 millions de plus que si nous étions néerlandais. » Histoire de rappeler à l’actionnaire qu’il a aussi ses responsabilités.