et les passe-temps d’Eric Neuhoff
L’écrivain Charles Dantzig fête à sa manière – littéraire, décalée, anachronique, drôle – les 500 ans de l’« anti-Versailles ».
Al’origine, il y a Chambord : « le plus beau château du monde », ce « gâteau de flammes posé sur la plaine », l’anti-Versailles (cet « immeuble bureaucratique à prétentions »). Mais le palais est vide, alors il faut bien le meubler. Ne serait-ce que par des songes, par nature « créatifs » et « fastes », à ne pas confondre avec les rêves, si « stériles » et souvent mauvais. Un exemple ? La vie de François Ier. Le roi finit prisonnier à Pavie lorsqu’il rêve de battre les Italiens, mais il bâtit cette splendeur du Val de Loire lorsqu’il songe à ce château, qu’il ne fréquentera au total que quarante-deux jours.
Charles Dantzig s’en donne à coeur joie lorsqu’il lance sa « machine à songer », entre encyclopédie capricieuse et dictionnaire égoïste. Dans cet exercice de haute voltige, il n’a pas de concurrent. Il dresse l’éloge des Valois. Il propose le corps du roi en guise de meuble. Il enquête sur l’affaire des Placards, prétexte à la chasse aux huguenots. Il s’interroge sur la monarchie. Il recense escafignons, eschappins et autres chausses. Il dresse des listes de « choses dégoûtantes », les nu-pieds en ville en particulier. Il déplore l’absence de plateau de fromages en Loir-et-Cher. Il se frotte aux aphorismes (« Le sentimentalisme est l’apitoiement de la brutalité »). Il réserve ses rosseries aux « célinards » (adorateurs de Louis-Ferdinand, père de Bardamu), au « menton et gros yeux des Habsbourg », aux « camaïeux de vert » de la campagne. Bref, il construit à son tour « un château sous forme de livre ».
Chambord-des-songes, de Charles Dantzig, Flammarion, 300 p., 21,90 €.