de Philippe Tesson
Quand Nicolas Briançon s’attaque avec énergie et bonne humeur au kitsch British des années 1960.
Les années 1950-1970 marquent un intéressant renouveau du théâtre anglais. Beckett, Pinter en sont le témoignage le plus glorieux, qui ne fait pas oublier les « jeunes hommes en colère ». En revanche, on ne joue plus en France ce boulevard à la londonienne qui connut un succès après la guerre, dont William Douglas Home donna un brillant exemple avec son Canard à l’orange. On vit cette pièce à Paris au début des années 1970 dans une mise en scène de Pierre Mondy. Elle triompha durant des années dans une adaptation très libre d’un auteur français alors à la mode, Marc-Gilbert Sauvajon. C’est une comédie terriblement nerveuse, assez audacieuse, très gaie, qui raconte sans façon une histoire invraisemblable d’adultère au sein de la meilleure société londonienne. Elle dégage un rare parfum de liberté, dans l’esprit comme dans la forme. Son auteur était d’ailleurs un type extraordinaire. Ecrivain de théâtre prolifique et reconnu, acteur, issu de l’aristocratie anglaise, frère du futur Premier ministre sir Alec Gouglas Home, il vécut dans sa jeunesse une singulière et sympathique aventure. Officier de l’armée britannique, il refusa de participer en 1944 au bombardement du Havre, pour protéger à la fois la population et le patrimoine de la ville. La cour martiale le condamna à un an de prison. Cela n’entama pas sa renommée, au contraire.
On ne s’étonne pas que Nicolas Briançon se soit entiché de cette comédie. De la verve, de l’humour, de la fantaisie. L’amour immodéré du jeu. Canaille et enfantin. Le théâtre incarné. Il a mis en scène la pièce, avec comme d’habitude un peu de lourdeur, rançon de trop vouloir bien faire. Il joue le personnage principal, un rôle très excitant et très excité où il excelle, entraînant tous les autres dans un rythme étourdissant, qui à son image forcent le trait dans de merveilleuses compositions boulevardières années 1950. Ce Canard à l’orange, joué actuellement à La Michodière, sera donné cet été au Festival d’Anjou, dont le spectacle phare sera Pauvre Bitos, la célèbre comédie de Jean Anouilh, dans une mise en scène du même Nicolas Briançon. Cette reprise très attendue, qui sera à l’affiche à Paris dès la rentrée de septembre, marquera la fin du mandat de celui-ci à la direction du Festival d’Anjou. Durant quinze années, il a assuré l’animation artistique de cette institution, dans un souci de qualité et de dynamisme, qu’il aura hissée au premier rang des événements théâtraux nationaux.
Le Canard à l’orange, de William Douglas Home. Mise en scène de Nicolas Briançon, Théâtre de la Michodière (Paris IIe).
“De la verve, de l’humour, de la fantaisie”