de Jean Sévillia
D’innombrables polémiques ont accompagné la vie du capucin stigmatisé qui fut sanctionné par le Vatican avant d’être canonisé quatre-vingts ans plus tard.
Un sociologue italien de gauche, qui ne croit pas au caractère surnaturel des stigmates éprouvés par Padre Pio, capucin béatifié puis canonisé par Jean-Paul II, a dit de lui, au regard de la place qu’il tient dans la vie quotidienne de millions d’habitants de la péninsule, qu’il était « l’Italien le plus important du XXe siècle ». Il était aussi un des plus célèbres, puisque des centaines de livres, d’articles et d’émissions de télévision ou de radio lui ont été consacrés, et que San Giovanni Rotondo, au fin fond des Pouilles, où se trouve sa tombe, est un des sanctuaires les plus visités au monde. Tout au long de son existence, pourtant, ce prêtre a suscité d’intenses polémiques liées aux phénomènes extraordinaires qui l’accompagnaient. Spécialiste des questions religieuses, Yves Chiron a publié à son propos, il y a trente ans, une biographie de référence (Padre Pio le stigmatisé, réédition Tempus, 2004). En s’appuyant sur des sources rendues publiques après la canonisation de Padre Pio (2002), l’historien fait aujourd’hui paraître un livre centré sur les controverses touchant au personnage, notamment concernant l’authenticité ou la supercherie de ses stigmates. Né en Campanie, en 1887, entré chez les Capucins en 1903, ordonné prêtre en 1910, le religieux a aussitôt été l’objet de stigmates aux mains et aux pieds, puis au thorax, plaies rappelant les cinq blessures reçues par le Christ pendant sa Passion. A ces signes scientifiquement inexplicables s’ajouteront d’autres phénomènes non moins extraordinaires : transverbération, bilocation, inédie, lévitation, guérison de malades. Cachant ses mains dans des mitaines, occupant la même cellule de couvent de 1943 à sa mort, en 1968, Padre Pio, inlassable confesseur, sera victime de la réputation que lui faisaient des fidèles trop zélés, contraignant le Vatican, sous Pie XI, à prendre paradoxalement des sanctions à son encontre, en 1923 puis en 1931, afin d’enrayer le culte prématuré qui entourait ce saint thaumaturge. Les relations du capucin avec la hiérarchie ecclésiastique s’apaiseront sous Pie XII, se tendront à nouveau sous Jean XXIII, et se calmeront sous Paul VI. Yves Chiron éclaire sobrement l’itinéraire d’un « maître spirituel » qui aura connu les foudres du Saint-Office avant d’être porté sur les autels.
Padre Pio. Vérités, mystères, controverses, d’Yves Chiron, Tallandier, 284 p., 20,90 €.