À LA BARRE
Froid dans le dos. Aux Etats-Unis, cinq cents quotidiens ont mis la clé sous la porte entre 1970 et 2016. Depuis, la situation ne doit pas être plus rassurante. Dans Paris, le dimanche, il faut marcher des kilomètres pour trouver un kiosque ouvert. En province, ce jour-là, la solution consiste à se rendre au Relais H de la gare (vous me direz que, le week-end, il est aussi compliqué d’acheter une baguette). Le papier sera bientôt une denrée rare comme l’or durant la ruée vers l’Ouest. Le plaisir de feuilleter les suppléments illustrés appartiendra au passé. Il ne sera plus possible de mordre dans un croissant les doigts tachés d’encre, d’ignorer le cahier consacré aux sports ou aux arts ménagers, de garder pour plus tard les pages « Spectacles ». Comment expliquer le bonheur que c’est de découper des articles aux ciseaux, de les conserver par ordre alphabétique dans des chemises de couleurs différentes ? A la lettre D, il y a Me Dupond-Moretti. Il est partout. Cet avocat, célèbre pour sa barbe et ses acquittements, se produit au théâtre. Il y joue son propre rôle. Dans Une intime conviction, il est incarné par Olivier Gourmet. Le procès Viguier, ce professeur de droit accusé du meurtre de sa femme, revit sous nos yeux. Pendant ce temps, le pénaliste publie des livres, mouche Angot chez Ruquier, pousse une gueulante à la radio. Chaque profession a sa tête de gondole. Eloquence pas morte. Il y a des gens, comme ça, qui donnent envie de s’inscrire à Assas, d’ouvrir un Dalloz.