LA DIFFICILE MISSION DE SENARD
Il est aussi long et pâle que l’autre est râblé et brun. Il est le produit d’une longue lignée française quand l’autre est un concentré de mondialisation. Il incarne l’éthique comme l’autre trimbalait sa réputation de cupidité. Jean-Dominique Senard, le patron de Michelin qui a pris la présidence de Renault, est à l’antipode de Carlos Ghosn.
Il faut espérer que son père, ancien ambassadeur, lui a transmis le gène de la diplomatie. La « mission » qu’il a acceptée, comme il aime à le dire, suppose à la fois de respecter la sensibilité japonaise chez Nissan et d’y faire valoir les droits de Renault. L’Etat actionnaire a fixé le cadre de son mandat. « Revoir la gouvernance de Renault de fond en comble, aligner Renault et Nissan en prenant la présidence de Nissan, nettoyer RNBV (la structure qui coiffe l’Alliance Renault-Nissan, ndlr), créer la confiance avec Nissan, enraciner l’Alliance », énumère une source proche du dossier. La relation avec Nissan s’est un peu améliorée depuis qu’il est clair, pour le partenaire japonais, que « Senard ne protégera pas Carlos Ghosn », explique une source dans l’Archipel. Et Nissan ménage son nouvel interlocuteur. « Nous l’apprécions vraiment beaucoup ! » sourit un proche du groupe nippon.
Chez Renault aussi, Senard arrive en terrain miné. L’entreprise est tétanisée, traversée par les lignes de fracture entre les fidèles de Carlos Ghosn, dont certains sont sur un siège éjectable, et ceux que son départ a soulagés. « Tout le monde joue double jeu, décrit un bon connaisseur du groupe. Ça annonce de mauvais règlements de comptes. » D’ici à la fin du mois, les premières décisions concernant le conseil d’administration et la direction devraient être prises.