LA GENÈSE DE « KAPUTT »
JOURNAL
★★★★ JOURNAL SECRET, de Curzio Malaparte, Quai Voltaire, 336 p., 23,70 €. Traduit de l’italien et édité par Stéphanie Laporte.
C
E’est un petit miracle : un manuscrit inédit de Malaparte, déniché dans une bibliothèque de Milan. Publié pour la première fois, et en français, dans une édition particulièrement soignée, ce journal de bord couvre la période avril 1941octobre 1944. La première partie, lyrique et déliée, est celle du correspondant de guerre du Corriere della Sera, en reportage en Pologne et en Laponie. Il disserte sur les rennes, le christianisme, Morand, Luther. En plusieurs langues. Il teste d’audacieux raccourcis : « Tous les chevaux en Europe sont royalistes. » Ses observations nourriront son chef-d’oeuvre, Kaputt, dont il débute l’écriture dans sa villa de Capri dès août 1943. C’est la seconde partie du journal, hachée, parfois répétitive (« Travaillé », lâche-t-il seulement). L’Italie signe l’armistice et vire sa cuti. Mussolini s’enferme dans son réduit, à Salo. Malaparte, fasciste ardent dans sa jeunesse, fâché avec le régime, accueille des exilés italiens, aide les AngloSaxons. Il reste suspect pour chaque camp. Le pudique Toscan se livre même à quelques confidences sur ses amours éphémères, son chagrin après la mort de ses chiens, ses maux à l’appendice et aux dents. Ce Journal secret a l’amertume des antipasti.