EN VUE L’éternel retour du casseur
L’homme aux mille et un visages
Après treize semaines de manifestations, les « gilets jaunes » continuent de compter
dans leurs rangs des individus se livrant à des actes de violence injustifiables. L’itinéraire de l’un d’entre eux, samedi dernier, a ravivé un débat sur ces éternelles
questions : qui sont-ils et d’où viennent-ils ?
Selon le secrétaire d’Etat Mounir Mahjoubi, ils n’ont « aucune valeur ». Et pourtant, depuis bientôt treize semaines, ce sont bien les casseurs qui défrayent la chronique tous les week-ends. Et qui, avec leurs séries d’actions, alimentent les chaînes d’information en continu en France et un peu partout dans le monde, donnant une fois de plus une bien piètre image du pays. Ces casseurs n’ont pas attendu le mouvement des « gilets jaunes » pour faire parler d’eux. En 2013, ils dévalisaient un car de touristes en plein jour place du Trocadéro ; en 2016, ils se fondaient dans les protestations contre la loi Travail ; le 1er mai 2018, ils enflammaient le défilé… Courte liste non exhaustive de leurs sinistres hauts faits, des rues de la capitale jusqu’à, il n’y a pas si longtemps, la ZAD de Notre-Dame-des-Landes. Samedi dernier, c’est l’itinéraire destructeur très chargé d’un certain Thomas P., pris en filature et filmé par des policiers en civil, qui a captivé l’attention : incendie d’un véhicule de l’opération « Sentinelle » devant la tour Eiffel et d’une Porsche appartenant (selon Le Parisien) au chef étoilé Philippe Etchebest, destruction de plusieurs distributeurs de billets de banque et des vitres de protection de la tour Eiffel… Mais si ces casseurs n’ont « aucune valeur », qui sont-ils ? Au fil des années, les médias se sont essayés à brosser leur portrait, politique ou sociologique. Le fameux Thomas P., une fois interpellé, s’est avéré être connu de la direction du renseignement de la préfecture de police (DRPP) pour appartenir à la mouvance anarcho-autonome. Objectif ? S’approprier la rue en utilisant les techniques des black blocs, ces militants encagoulés et vêtus de noir, laissant, derrière leurs méfaits, des inscriptions anticapitalistes sur le mobilier urbain. Un profil très souvent évoqué pour analyser les casseurs, mais qui, en réalité, ne suffit pas à englober l’ensemble des manifestants se livrant à des actes de violence – particulièrement lors des rassemblements de « gilets jaunes », chaque samedi. Aux groupuscules de l’ultragauche viennent souvent s’ajouter des groupes de l’ultradroite. Dans ce maelström de violence est apparu l’antisémitisme. Le week-end dernier, des boîtes aux lettres du XIIIe arrondissement de Paris où était peint le visage de Simone Veil (des oeuvres commandées pour sa panthéonisation) ont été taguées de croix gammées ; les vitrines d’une enseigne de vente de bagels, Bagelstein, couvertes d’injures antisémites peintes en jaune. Sur les réseaux sociaux, des vidéos complotistes évoquent même la possibilité que des policiers en civil se prêtent aux cassages pour donner une mauvaise image des « gilets jaunes »…
Protéiformes, n’obéissant pas à un mode opératoire unique, les casseurs ne peuvent donc pas être regroupés sous une seule et même bannière. De surcroît, au sein des manifestations des « gilets jaunes ». Ainsi, en novembre dernier, à la suite des interpellations et des comparutions immédiates après les premiers samedis, nos confrères du Figaro rapportaient qu’aucun fiché d’ultradroite ni d’ultragauche ne figurait dans les centaines de gardés à vue. En décembre, le procureur de Paris Rémy Heitz affirmait voir « beaucoup d’hommes majeurs, de 30 à 40 ans, souvent venus de province, insérés socialement, visant les institutions et souhaitant en découdre avec les forces de l’ordre » dans les gardés à vue. Toujours selon le procureur, ces derniers estimaient « avoir fait “acte de résistance” contre un gouvernement qui ne les entend pas ». Reste à savoir combien de temps le mouvement des « gilets jaunes » pourra survivre à cette escalade de violence.