LES CLÉS POUR COMPRENDRE
Que sont devenus les milliers de Centraméricains qui avaient entrepris de traverser le Mexique pour rallier les Etats-Unis en octobre 2018 ? Donald Trump a dépêché l’armée à sa frontière sud, mais force est de constater que le raz-de-marée annoncé ne s’est jamais produit. 1 LA GENÈSE DE L’AFFAIRE
Le 14 octobre 2018, à l’appel des réseaux sociaux et d’un ex-député, 2 000 personnes se rassemblent dans le nord du Honduras et commencent une marche qui doit les mener vers les Etats-Unis, distants de 4 000 km. L’insécurité et la misère qui règnent au Honduras sont les deux raisons invoquées pour justifier cette transhumance. De fait, le taux d’homicide (43 pour 100 000 habitants) y est un des plus élevés au monde et 63 % de la population vit sous le seuil de pauvreté. Après avoir parcouru le Guatemala à pied, ils franchissent en force la frontière avec le Mexique. La police anti-émeute est débordée, d’autant que la « caravane » s’est étoffée au fil de la pérégrination et que 7 000 marcheurs sont recensés fin octobre. Sur place, ils poursuivent vers le nord par tous les moyens de transport possibles et se retrouvent finalement à Tijuana (ultime étape avant la Californie fantasmée), où ils végètent dans des hébergements et des campements de fortune, la frontière avec l’Amérique étant hermétiquement close. 50 % des effectifs ont fini par quitter Tijuana et se sont dispersés dans le reste du Mexique.
2 LA RÉCUPÉRATION POLITICOMÉDIATIQUE
Aussi spectaculaire soit-il, notamment grâce à sa couverture médiatique, cet épisode migratoire n’a rien d’extraordinaire au Mexique. En effet, selon l’ONU, 500 000 personnes en provenance d’Amérique latine et d’Amérique centrale (Salvador, Honduras, Guatemala) traversent illégalement sa frontière méridionale chaque année. Avec toujours le même objectif : les Etats-Unis. Mais les images de la caravane, avec son faux air de Camp des saints, sont tombées en pleine campagne américaine de mi-mandat (6 novembre 2018). Du pain bénit pour Donald Trump et un argument en faveur de sa barrière antimigrants. Cela n’a pas fait fléchir l’opposition démocrate, qui refuse toujours de débloquer les 5,7 milliards de dollars nécessaires à la construction de l’ouvrage de défense. Le numéro 1 américain a donc déployé 5 000 soldats le long de sa frontière dans le cadre de l’opération Patriote fidèle et menace les Honduriens par tweet :
« Nos militaires vous attendent ! » Puis, s’adressant aux démocrates : « Nous allons construire un mur humain si nécessaire ; si nous avions un vrai mur, ce serait un non-événement. » A bon entendeur, salut !
3 LA NOUVELLE ATTITUDE DU MEXIQUE
L’attitude de Mexico à l’égard des réfugiés est complexe : voici une terre d’émigration en passe de devenir une terre d’immigration, ce qui trouble nombre d’autochtones. A Tijuana, là où aboutissent les clandestins, certains habitants estiment déjà que la plaisanterie a assez duré… Toujours est-il que les autorités prennent conscience de l’enjeu. Investi en décembre 2018, le nouveau président, Andrés Manuel López Obrador (surnommé Amlo), tente d’élaborer une politique migratoire qui tranche avec le passé. Contrairement à son prédécesseur, Enrique Peña Nieto, adepte de la fermeté et des expulsions, Amlo ouvre des structures d’accueil et propose des « visas humanitaires » aux arrivants. Ce document est censé permettre à son détenteur de trouver un emploi dans le pays. La mesure est peut-être dictée par des considérations humanitaires, mais elle relève aussi du calcul : depuis le début de la crise, l’irascible Donald Trump (voisin avec lequel mieux vaut ne pas se fâcher) exige que les réfugiés fassent leur demande d’asile au Mexique. Seul hic : presque tous les Honduriens à qui on a proposé un « visa humanitaire » l’ont refusé, obnubilés par l’eldorado américain.