LES RENDEZ-VOUS de J-R Van der Plaetsen
Dans une enquête remarquable, l’expert en géostratégie relate l’incroyable itinéraire d’un officier allemand qui sauva plus d’un millier de Juifs et de résistants pendant la guerre.
C’est une histoire inouïe, digne d’un scénario de Steven Spielberg. Une histoire ardue, équivoque et ambiguë, avec un personnage principal dont l’existence rappelle à la fois celle du colonel Claus von Stauffenberg, principal acteur de l’attentat raté contre Hitler en 1944, et d’Oskar Schindler, l’industriel allemand qui sauva plus d’un millier de Juifs lors de la Seconde Guerre mondiale.
Ce héros inconnu, qu’exhume l’expert en géostratégie François Heisbourg, est le major baron Franz von Hoiningen, et son incroyable destin illustre la complexité de ces années-là. Comme Stauffenberg et Schindler, Hoiningen était catholique, adhéra avant la guerre au parti nazi, puis s’en détourna pour le combattre plus ou moins ouvertement (il fut mêlé au complot contre Hitler) et procéder de sa seule initiative au sauvetage d’un millier de Juifs et résistants pendant la guerre.
CET ÉTRANGE NAZI
QUI SAUVA MON PÈRE, de François Heisbourg. Stock, 338 p., 20,50 €. Des sauvetages indiscutables et avérés, comme le prouvent les très nombreux témoignages recueillis après la guerre, par Heisbourg et par d’autres, et qui ont justifié l’ouverture d’un dossier par Yad Vashem pour accorder peutêtre à cet homme, à l’issue d’une enquête qui n’est pas close, le titre de Juste parmi les nations. On n’en dira pas davantage pour préserver le suspense haletant de ce livre, pourtant écrit avec les scrupules du chercheur et les prudences de l’historien.
« C’est parce que Hoiningen sauva mon père résistant, explique l’auteur, que j’ai cherché à reconstituer la vie de cet aristocrate prussien, au caractère revêche, qui se retira sur ses terres après la guerre et, tel Cincinnatus, reprit sa charrue, soigna ses vignes dévastées et reconstruisit son château. J’éprouve une admiration et un respect sans bornes pour cet homme, tout en n’ayant aucune sympathie pour lui. » Selon Heisbourg, son héros incarne la banalité du bien – c’est-à-dire le versant lumineux de la thèse développée par Hannah Arendt lors du procès d’Adolf Eichmann.
“Le grand rabbin Serebrenik évoque « un homme noble, non seulement de sang, mais aussi par ses sentiments et ses actes »”