LE THÉÂTRE de Philippe Tesson
Pierre Arditi et Michel Leeb composent un merveilleux numéro d’acteurs dans la nouvelle comédie de Philippe Claudel.
On ne comprend pas très bien pourquoi Philippe Claudel a titré Compromis sa nouvelle pièce. Certes, le rideau s’ouvre sur un appartement au moment de la signature d’un contrat de vente, mais c’est à une tout autre cérémonie que nous allons assister : un happening au demeurant très amusant entre le vendeur de l’appartement et l’un de ses amis qu’il a invité pour assister à la formalité, sans qu’il soit question de compromis ni entre ces deux hommes, ni entre eux-mêmes et l’acheteur. L’auteur fait dire au dénouement de la pièce par ses personnages que « l’amitié se nourrit de compromis » et que ceux-ci « ne sont pas des reniements ni des trahisons, ce sont des preuves d’amour », mais ce n’est pas vraiment ce que nous avions compris. Nous avons cru en effet assister à une sorte de tragi-comédie sur le thème de l’usure de l’amitié du fait du temps, de l’érosion naturelle des sentiments, de la jalousie et autres faiblesses humaines, et c’est très bien ainsi. Il ne nous est pas apparu que Denis et Martin, les deux amis en question, avaient fait des compromis pour sauvegarder leur relation. Nous avons vu en eux des êtres médiocres, c’est-à-dire banals, le premier, acteur raté, le second, écrivain approximatif, amers et volontiers vulgaires, envieux l’un de l’autre et se cachant à peine du mépris dans lequel ils se tiennent l’un vis-à-vis de l’autre, c’est-à-dire sans avoir besoin de compromis pour se supporter, ce qui est le comble de l’inélégance et de la franchise.
L’essentiel est que nous ayons pris du plaisir à ce spectacle. La peinture du monde culturel que dresse l’auteur est plaisante. Philippe Claudel est un satiriste authentique et sans pitié. Il n’était peut-être pas utile d’ajouter à ses portraits acérés un contrepoint politique aussi précis que le contexte des années Mitterrand. Et, si la première partie de la pièce est un peu longue, la seconde, où les deux amis se livrent à une extravagante démonstration, est savoureuse.
Il est vrai que nous avons en scène trois comédiens hors du commun. Outre l’inconnu Stéphane Pezerat, épatant dans le rôle de l’innocent du village, les deux autres sont en revanche des chevaux de retour dont on n’attendait pas moins que ce qu’ils offrent ici dans des rôles taillés pour eux : Michel Leeb, ses trop bons sentiments, sa vertu aléatoire, son instinct comique irrésistible ; et Pierre Arditi, la perversité incarnée, le charme vénéneux, plus vrai encore que nature. Compromis, de Ph. Claudel. Mise en scène de B. Murat. Avec P. Arditi, M. Leeb et S. Pezerat. Théâtre des Nouveautés, Paris IXe (01.47.70.52.76).
Claudel est un satiriste authentique et sans pitié