Le Figaro Magazine

ditEs-nous tout

Chanteur

- Alain Souchon

Il a 75 ans et avoue que le monde moderne le rend « un peu fataliste et un peu triste ». Mais lorsqu’on lui parle de musique, de poésie et de Laurent Voulzy, ses yeux s’illuminent comme ceux d’un gamin qui n’a rien trouvé de mieux, pour dissoudre la tristesse et tromper l’ennui, que d’écrire des chansons.

Ames fifties, son nouvel album (Warner), en renferme une dizaine qui traduisent avec de douces mélodies et des textes bien sentis le regard insolent et tendre que cet homme curieux porte inlassable­ment sur ce qui l’entoure.

Comment naît une chanson ?

En marchant sur les sentiers des Alpes du Sud ou dans Paris. La marche, c’est pas mal parce que ça donne une cadence. Quant aux paroles, je les trouve dans un calepin sur lequel je note les phrases dont je suis content. Mais comme je suis un musicien assez basique, je m’adresse depuis quarante ans à Laurent Voulzy. Ou à Ours et Pierre Souchon, mes fils, qui ont fait beaucoup de chansons sur cet album.

Et vous, que leur avez-vous transmis ?

Peut-être l’idée de faire des chansons racontant une histoire. Même si c’est toujours un peu la même idée : les filles sont jolies et la vie est trop courte. Comme chez Ronsard, finalement.

Peut-on encore regarder sous les jupes des filles aujourd’hui ?

Ça, ça ne changera jamais. Même si je me suis souvent fait traiter de macho à cause de cette chanson…

Etoile, est-ce forcément un métier qui fait du mal comme vous le chantiez ?

Ça rend égocentriq­ue, car on a tendance à croire la fausse importance que le statut vous donne en société. Bref, comme ça trouble, il faut rester vigilant et ne pas se la péter.

Etes-vous de droite ou de gauche ?

J’étais un peu de gauche comme tout le monde dans mon milieu, et puis j’ai rencontré Jean-François Deniau. J’ai tellement aimé cet homme intelligen­t, humaniste et très ouvert sur le monde que je me suis dit : dans le fond, tout le monde est de gauche !

Quel regard portez-vous sur la France d’aujourd’hui ?

J’ai de la peine parce que j’ai l’impression qu’à part les footballeu­rs, tout le monde est malheureux.

Si vous étiez président, quelle réforme engageriez-vous ?

J’en serais bien incapable ! C’est touchant, les présidents de la République. On leur tape dessus alors qu’ils sont bouleversé­s par leur tâche. Et cela me paraît dangereux de rejeter les élites : ces gens qui réfléchiss­ent et donnent leur avis, il faut les écouter. Rappelons que leurs prédécesse­urs s’appelaient Lamartine ou Hugo.

Les auteurs de votre panthéon ?

Michel Houellebec­q, Sylvain Tesson, Patrick Modiano, John Fante, Gustave Flaubert…

Que vous reste-t-il de vos 10 ans ?

Le goût de la poésie. A cet âge, j’ai découvert La Légende des siècles de Victor Hugo. Or, dans ce fatras poussiéreu­x et moyenâgeux, trouver, grâce aux rimes, une cadence et des images me plaisait beaucoup.

La vue qui vous console de tout ?

Lorsque je grimpe, près de chez moi, vers le col du Granon et que je m’assieds pour pique-niquer au-dessus des sommets italiens et français, j’ai l’impression d’être un garçon vraiment intéressan­t.

Passer notre amour à la machine a-t-il contribué au réchauffem­ent climatique ?

Je ne sais pas, mais ce qui est terrible avec cette histoire, c’est qu’il n’y a pas grand-chose à faire. Cette petite Suédoise qui hurle sur la terre entière, c’est mignon mais inutile.

Un chef-d’oeuvre qui vous tombe des yeux ?

J’avoue que j’ai du mal avec Marcel Proust. J’en ai honte mais le général de Gaulle, qui écrivait bien, disait :

« Proust ? C’est magnifique ! Parfois les phrases sont un peu longues… »

Ça résume bien la situation.

Un chanteur qui vous rend jaloux ?

Jean-Jacques Goldman, pour avoir eu la sagesse d’arrêter.

Qu’aimeriez-vous qu’on vous dise en arrivant Là-haut ?

Quoi qu’on me dise, je serais content de savoir qu’il y a Quelqu’un.

Vos adresses ouvertes la nuit ?

Chez Edouard Baer. C’est un compagnon délicieux. Et je voudrais être lui parce qu’il est très drôle. C’est gentil pour les gens d’être drôle.

Les chansons, c’est toujours un peu la même idée : les filles sont jolies et la vie est trop courte

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