LE THÉÂTRE
« N’écoutez pas, Mesdames ! » : un vieux lapin et trois garces années 1940.
N’écoutez pas, Mesdames ! est l’une des comédies les plus populaires de sacha Guitry, sans être pour autant la meilleure. elle résume parfaitement, il est vrai, les fantasmes et les obsessions que provoquaient les femmes chez le maître. c’est au lever de rideau de la pièce que se situe le fameux monologue que Daniel, le héros, adresse aux hommes, « à ceux de mon espèce, c’est-à-dire à tous ceux qui adorent les femmes. Ne vous mariez pas ! Car il faut adorer les femmes pour avoir le droit d’en parler, puisque parler des femmes, c’est en dire du mal. » suivent environ deux heures d’un bavardage exténuant entre le vieux lapin et les trois femmes qui se succèdent dans son salon d’antiquaire, plus garces les unes que les autres et qu’il a follement adorées. il y a quelque chose d’extraordinaire dans la machine Guitry : à la fois elle vous fascine et elle vous excède. On croirait des pépites de diamant jetées dans de la semoule. c’est particulièrement vrai s’agissant de N’écoutez pas, Mesdames !. une gentille comédie, et puis basta ! cette pièce a été créée en mai 1942, quand il était alors au faîte de sa gloire. il avait imposé dès les débuts de l’Occupation à la société parisienne et principalement au monde artistique et culturel une image originale, celle d’une sorte de pape des arts et lettres, bénéficiant d’une espèce d’impunité face à ses comportements ambigus et contradictoires. On veut parler des contacts qu’il entretenait avec l’occupant ou des gages qu’il donnait à Vichy en même temps qu’il apportait publiquement son soutien à des juifs menacés. Dans son excellente biographie, Henry Gidel apporte à ce sujet des informations éloquentes. en pleine répétition de N’écoutez pas, Mesdames !, Guitry répond à une invitation de Göring, dont il laissera un portrait étonnement détaché : « Un gros acteur, ou mieux encore une très grosse dame en homme, et qui aimerait les femmes. Un homme à se faire tuer, finalement, par ses intimes. » ces considérations peuvent sembler sans rapport avec la pièce qu’on voit à La Michodière. peut-être, mais avec l’auteur, si. il n’est jamais vain de rapporter un artiste à sa biographie, à plus forte raison lorsqu’elle concerne une personnalité rare, qui de surcroît s’est projetée à ce point dans son oeuvre. Quant au spectacle, il vaut ici par une interprétation très pittoresque : un Michel sardou excellent et inattendu, loin de Guitry, comme un vieux sage attendrissant, entouré d’excellentes caricatures, Nicole croisille, carole richert, eric Laugérias, Michel Dussarrat, etc., une très bonne Lisa Martino, un décor très fidèle de Jean Haas, le tout signé Nicolas briançon. N’écoutez pas, Mesdames !, de sacha Guitry.
Mise en scène de nicolas Briançon. avec Michel sardou,
Lisa Martino… théâtre de la Michodière (01.47.42.95.22).
Une interprétation très pittoresque