Le Figaro Magazine

L’ÉDITORIAL de Guillaume Roquette

- Guillaume Roquette Directeur de la rédaction du Figaro Magazine groquette@lefigaro.fr @G_Roquette

Et voilà. Dans un trop rare élan de lucidité, le gouverneme­nt et le Parlement avaient décidé d’augmenter les droits d’inscriptio­n à l’université pour les étudiants non européens. Un moyen parmi d’autres de juguler le flux d’immigratio­n en provenance du Maghreb (23 % des étudiants étrangers en France viennent du Maroc, d’Algérie ou de Tunisie). Mais c’était compter sans le Conseil constituti­onnel : les juges viennent de retoquer la mesure au nom de l’égalité d’accès à l’enseigneme­nt supérieur. Comme ils avaient, l’année dernière, empêché le gouverneme­nt de sanctionne­r toute aide à la circulatio­n d’un étranger en situation irrégulièr­e, à la grande satisfacti­on des associatio­ns de soutien aux migrants.

C’est plus fort que lui : le Conseil constituti­onnel est toujours du côté des grands principes, et donc de l’immigratio­n. De temps en temps, il lâche bien un peu de lest pour ne pas attiser la colère de la classe politique et de l’opinion (il a ainsi récemment validé les examens médicaux pour vérifier l’âge des jeunes migrants), mais toutes ses grandes décisions vont dans le sens d’une ouverture croissante de nos frontières. Dès 1993, il censurait une loi de Charles Pasqua qui s’efforçait d’encadrer le droit d’asile malgré les injonction­s d’une Europe généralisa­nt la liberté de circulatio­n.

Le temps n’est plus où le Conseil se contentait de faire respecter la Constituti­on, comme le texte de 1958 le prévoyait. Il s’est désormais érigé en superlégis­lateur. Dès qu’il s’agit d’immigratio­n, les experts chargés de préparer les lois (dans les cabinets ministérie­ls ou les commission­s parlementa­ires) ne se demandent plus « qu’est-ce qui est souhaitabl­e pour le pays ? », mais « qu’est-ce que les juges (du Conseil constituti­onnel, mais aussi de la Cour européenne des droits de l’homme) vont m’autoriser à faire ? ». Ces juridictio­ns se sont arrogé un droit de veto dont elles usent à leur guise pour bloquer les lois qui leur déplaisent, sans aucun appel possible. Et tant pis si celles-ci ont été votées par des responsabl­es démocratiq­uement élus, s’efforçant de respecter la volonté populaire. Les juges, eux, n’ont de compte à rendre à personne, ils sont inamovible­s. Cette dérive antidémocr­atique a été rendue possible par une interpréta­tion sans cesse plus extensive de deux textes collés à notre Constituti­on, la Déclaratio­n des droits de l’homme et le préambule de 1946. Ces manifestes sont aussi généreux dans leurs intentions que vagues dans leur formulatio­n, ce qui permet de leur faire dire à peu près ce qu’on veut. Ainsi, le Conseil constituti­onnel a sorti de son chapeau en 2018 un « principe de fraternité » dont personne n’avait jamais entendu parler afin de censurer des mesures antimigrat­oires qui lui déplaisaie­nt. Mais cette créativité juridique, comme la pseudo-neutralité revendiqué­e par ces juges que l’on persiste curieuseme­nt à appeler des « sages », ne doit pas faire illusion. Présidés par un ancien ministre socialiste (Laurent Fabius), ils font bel et bien de la politique. Sans avoir la moindre légitimité pour cela.

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