Le Figaro Magazine

DITES-NOUS TOUT Alexis Roux de Bézieux

Chef d’entreprise

- Propos recueillis par Laurence Haloche

Après dix ans dans le monde de l’audit et du conseil, Alexis Roux de Bézieux a créé son entreprise et lancé, en 2011, à Paris, sa première épicerie de quartier au concept novateur. Trois adresses, trente employés, un chiffre d’affaires de 4 millions par an… Le succès des magasins Causses – traiteurs et restaurant­s –, témoigne d’une réussite qui n’a pas échappé au

Who’s Who. Dans la nouvelle édition, son nom figure à côté d’un certain Geoffroy, son cousin.

Fier d’être dans le Who’s Who ?

Je ne cours pas après les hochets de la vanité, mais cela m’a flatté… tout en m’inspirant le sentiment d’une forme d’illégitimi­té. D’autres parcours sont plus exceptionn­els.

Quand on vous demande votre profession, vous répondez ?

Epicier… J’aime ce que je fais. Très tôt, je me suis senti libre de devenir ce que je voulais. Avoir perdu mon père, pilote de chasse, lorsque j’étais jeune, y a sûrement contribué.

Qu’est-ce qui vous plaît plus particuliè­rement dans ce métier ?

L’épicerie est un vrai lieu de vie, de lien social. Au-delà du cliché de l’épicier avec le coude sur la balance, et le crayon sur l’oreille, c’est un métier très riche, extrêmemen­t exigeant où l’on gère d’énormes volumes et de petites marges. Et puis, j’aime avoir mille choses à faire. Cette instabilit­é me ressource.

Quelles qualités pour réussir ?

Je suis un besogneux qui aime bâtir. L’important est de garder une plasticité mentale pour rester ouvert à tout, être dans le mouvement, l’élan, même si la vie s’ingénie à déjouer vos plans. J’ai raté tous mes examens ou presque !

Quel est le concept de Causses ?

Ce n’est pas une épicerie fine, plutôt un magasin d’alimentati­on générale de qualité. On y propose une offre du quotidien, 60 % de frais, pour une clientèle de quartier. Mon rêve ? Voir un jour Francis Ford Coppola venir y faire ses courses. A défaut du défunt Jim Harrison, dont je lis le livre Un sacré gueuleton.

Votre panthéon personnel ?

Emir Kusturica, James Gray, Sidney Lumet… Leur oeuvre traite de thématique­s fortes : la communauté, la famille, l’honnêteté.

Le Marais, Pigalle, les Halles, des adresses qui ciblent plutôt une clientèle privilégié­e…

Le panier moyen est à 12 euros. Pour référencer un produit, on se demande toujours combien d’heures de smic ou de salaire médian il faut pour se le payer. Certaines références sont même moins chères qu’en grande distributi­on, comme la viande achetée chez un groupement d’éleveurs.

Vous allez voir vos fournisseu­rs en province. Que vous ont-ils appris ?

Première leçon de business avec un maraîcher, il y a quelques années : on a fait le tour du champ et après, seulement, on a pu parler. Sur le monde rural, il faut lire Plaidoyer pour nos agriculteu­rs de Sylvie Brunet. Sa réflexion remet de l’intelligen­ce dans le débat.

Vos étals invitent à manger sain. Vous êtes un militant actif ?

Je fais mon métier le mieux possible… Mais je préfère me tenir à distance des sachants aux discours péremptoir­es et culpabilis­ants. Tout est plus complexe qu’il n’y paraît, l’homme n’est pas une machine raisonnabl­e. Et puis le radicalism­e de certains bouffeurs de graines m’ennuie, comme les foodistas d’ailleurs. C’est devenu un secteur d’une prétention inouïe.

Si je vous dis écologie…

On y est très attentif, et on fait aussi des choses incohérent­es comme changer nos barquettes fabriquées en France (en plastique recyclé à 80 %) pour de la pulpe de canne fabriquée à l’autre bout du monde, au double du prix.

Des projets ?

On stabilise. Je suis un homme du temps long qui travaille un peu comme un industrieu­x du XIXe siècle, pas du tout en mode start-up. Sur mon couteau, j’ai fait graver cette phrase de Confucius : « Examine si ce que tu promets est juste et possible car la promesse est une dette. »

Avec mes épiceries, je travaille un peu comme un industrieu­x du XIXe siècle

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