“La météo est un secteur d’activité agité”
Docteur en physique passé par le CNRS, Eric Savant-Ros a cofondé et dirige le bureau d’études météorologiques Météo Consult * depuis 1988. Il nous dévoile les dessous d’un business plus complexe que ce que l’on imagine.
En quoi consiste votre métier ?
Nous fournissons des informations météorologiques aux particuliers comme aux professionnels. Les premiers nous connaissent par la chaîne télévisée La Chaîne Météo, accessible en ligne, sur application mobile ou sur le réseau Canal+. Les seconds font appel à nous pour bénéficier d’une assistance personnalisée sur une localisation définie et une échéance donnée. Il peut s’agir d’entreprises du bâtiment pour la planification des travaux, d’acteurs du secteur maritime pour l’organisation de transats ou la construction de plates-formes pétrolières, d’agriculteurs pour l’évaluation des précipitions à venir ou encore d’assureurs qui commandent des rapports de situation suite à des épisodes climatiques destructeurs. Sans oublier les mairies, les professionnels du tourisme et du sport, tous ceux qui organisent des événements en extérieur.
De quelle manière établissez-vous les prévisions ?
Elles sont dressées par des supercalculateurs alimentés par les données d’observations satellitaires et terrestres. Ils appliquent des algorithmes extrêmement sophistiqués hérités des lois de la physique des fluides. Schématiquement, on trouve un superordinateur par pays. Le plus puissant appartient aux Etats-Unis, mais les Européens ont mutualisé leurs ressources pour confectionner un « modèle européen » presque aussi véloce, basé en Angleterre. A Météo Consult, nous mêlons essentiellement les informations fournies par les Américains, gratuitement, à celles du modèle européen, payantes. Les phénomènes climatiques évoluent en effet sur une échelle planétaire. Ensuite, nous pondérons les différents modèles numériques par des observations humaines localisées sur les régions françaises avec une granularité d’environ 10 kilomètres pour les particuliers et 1 kilomètre pour les pros. Ceci nous permet d’offrir un service plus précis et réactif qu’une simple modélisation mathématique.
Sont-elles fiables ?
Nous émettons un indice pour pondérer la crédibilité de nos pronostics. Il varie en fonction de l’éloignement dans le temps mais surtout des conditions. Si une période de beau temps s’anticipe aisément, il est plus difficile de prévoir la trajectoire des tempêtes ou de prévenir la transition pluieneige car la bascule se fait sur seulement quelques degrés de différence, alors que les conséquences peuvent se révéler désastreuses.
A combien de jours peut-on se projeter ?
Les modèles américains et européens se projettent à quinze jours, les français et européens, à sept jours. Ceci en fonction de la puissance de calcul. Elle évolue constamment. On a fait de gros progrès depuis une trentaine d’années avec le perfectionnement des calculateurs et le développement des télécoms qui autorisent la transmission des informations en temps réel. Avant, il fallait vingt-quatre heures de calcul pour délivrer une prévision à… vingt-quatre heures. Pas très utile ! Aujourd’hui, cette opération s’effectue en dix minutes.
Qui sont vos concurrents ?
En France, nous sommes confrontés à l’incontournable Météo France qui s’appuie sur son statut de service public et sur la puissance de sa marque. Nous pesons approximativement 10 millions d’euros par an, contre 30 millions pour Météo France, dans un marché hexagonal estimé à 50 millions d’euros. Nos revenus proviennent de la publicité en ligne et des abonnements pros. Mais la concurrence la plus redoutable nous vient des américains The Weather Channel et Accu Weather, qui profitent de leur intégration native dans les services Google ou sur les smartphones Android et iOS, tout en puisant leurs informations dans les ressources gratuites du modèle américain.
Comment se démarquer ?
Si notre application est toujours téléchargée, c’est qu’elle réussit à être plus précise. Nous le devons à une équipe de 50 passionnés de météorologie, dont 15 experts qui peuvent accompagner les clients dans leurs prises de décision. L’humain reste un atout face aux algorithmes américains. Nous publions également plus de 100 vidéos journalières détaillant les prévisions région par région et dans les pays francophones. ■
* Météo Consult a été acquis par le Groupe Figaro en 2008.