LA GRANDE SAGA DES VIKINGS
Les travaux des historiens sur les anciens peuples nordiques montrent que la réalité ne correspond pas toujours aux images du cinéma.
Evoquer les Vikings, c’est faire surgir des images d’Epinal : de grands sauvages échappés des brumes du Nord, qui mettent les côtes européennes à feu et à sang puis rembarquent sur leurs drakkars. Ces clichés, forgés au XIXe siècle, repris au XXe et au XXIe siècle par le roman, le cinéma, les séries télévisées et la BD, semblent indéboulonnables. S’ils ont leur part de vérité, celle-ci n’est que l’ombre ou la caricature de ce que nous savons désormais grâce aux travaux d’historiens qui se sont multipliés depuis une bonne trentaine d’années, et pas seulement dans les pays scandinaves. La France possède ainsi une remarquable école de spécialistes des Vikings, au premier rang desquels figurait Régis Boyer, disparu en 2017, école qui se manifeste aujourd’hui par trois parutions simultanées.
Jean Renaud, ancien directeur du département d’études nordiques de l’université de Caen et auteur d’une douzaine d’ouvrages sur les Vikings, fait paraître un utile petit livre qui répond aux questions les plus élémentaires : les Vikings étaient-ils uniquement des guerriers ? Ont-ils découvert l’Amérique ? Portaient-ils des casques à cornes et buvaientils dans des crânes (1) ? Pierre Bauduin, professeur d’histoire médiévale à l’université de Caen, publie de son côté un ouvrage qui replace les Vikings dans la perspective sous laquelle on considère désormais ces peuples dont les raids vers l’Occident, à partir du VIIIe siècle, ont provoqué un traumatisme attesté par les sources écrites et confirmé par l’archéologie, mais dont l’histoire est aussi celle de paysans, de pêcheurs et de commerçants dont la violence ne fut pas le seul moyen d’expression, et dont les routes et la diaspora, de l’Atlantique Nord jusqu’à la Russie et aux aires byzantine et islamique, témoignaient d’une capacité d’échange et de compromis (2). Enfin Stéphane Coviaux, professeur d’histoire en classes préparatoires et spécialiste des civilisations scandinaves, montre comment la christianisation des mondes nordiques, achevée au XIIe siècle, a affecté les croyances religieuses, les représentations politiques et la structure des sociétés du nord de l’Europe, précipitant la fin du monde viking (3).
Trois ouvrages savants pour dissiper quelques légendes. Mais vient-on jamais à bout des légendes ?
(1) Les Vikings. Vérités et légendes,
de Jean Renaud, Perrin, 352 p., 13 €. (2) Histoire des Vikings.
Des invasions à la diaspora,
de Pierre Bauduin, Tallandier, 666 p., 27,90 €.
(3) La Fin du monde viking,
de Stéphane Coviaux,
Passés composés, 366 p., 23,50 €.