L’ÉDITORIAL
Le gouvernement veut établir des quotas annuels d’immigration professionnelle en fonction des besoins de l’économie française : la mesure semble de simple bon sens et pourtant elle scandalise une large partie de la gauche, comme si tout projet de régulation administrative de l’immigration était par nature inacceptable. Même un homme réputé modéré comme le patron de la CFDT, Laurent Berger, s’offusque. Le camp du bien est décidément incorrigible.
On verra à l’usage la portée pratique d’une telle mesure. Le macronisme se réduit souvent à un ministère de la parole, sans que les grands discours soient toujours suivis d’effets. On se souvient ainsi de la loi portée par Gérard Collomb pour tenter d’endiguer le flux des demandeurs d’asile. Le moins qu’on puisse dire est qu’elle tarde à porter ses fruits : 22% de demandes supplémentaires en 2018 ! Mais enfin, la décision même d’instaurer des objectifs chiffrés d’immigrants doit être saluée. Etablir des quotas, c’est considérer – enfin – qu’il nous appartient de décider qui peut ou non entrer en France, dès lors que nous ne pouvons pas fournir un emploi à tous les travailleurs du monde. Pas plus que nous n’avons vocation à accueillir tous ceux qui souhaitent s’installer chez nous.
Pour le dire autrement, il ne saurait exister de droit à l’immigration. Aucune culpabilité postcoloniale (comme si les peuples de nos ex-colonies ne nous avaient pas mis dehors, parfois les armes à la main comme en Algérie), aucun soupçon de xénophobie, aucune accusation d’égoïsme ne devrait retirer au peuple français le droit de disposer de luimême et de choisir qui il veut accueillir chez lui.
Le problème est qu’un encadrement de l’immigration professionnelle, à considérer qu’il soit vraiment mis en place, ne suffira pas à juguler à lui tout seul la pression migratoire. Les étrangers qui entrent chaque année en France au titre du regroupement familial et surtout en raison des mariages sont près de trois fois plus nombreux que les immigrés économiques (90 000 contre 33 000 en 2018). Si le gouvernement veut faire autre chose qu’un coup médiatique pour séduire l’électorat de droite, il doit donc contingenter également le regroupement familial par de nouvelles règles (avec l’Algérie, le plus important pays de départ, les règles sont fixées par un accord bilatéral… de 1968). Temps minimum de résidence, maîtrise de la langue française, promesse d’emploi pour le nouvel arrivé… Les critères à mettre en place sont d’autant mieux connus qu’ils sont déjà appliqués dans de nombreux autres pays.
Une même exigence devrait être de mise pour pouvoir devenir français. Jusqu’en 1993, le gouvernement pouvait s’opposer à l’octroi de la nationalité en cas de « défaut d’assimilation ». On remplaça ensuite cette mention par la nécessité d’une « manifestation de volonté », mais c’était encore trop demander : cette condition fut supprimée en 1998. De fait, le droit du sol permet désormais une naturalisation quasi automatique après un séjour minimum sur le territoire. Ne cherchons pas ailleurs les raisons de l’échec de l’intégration à la française.