LA CHRONIQUE
Le voyage en Chine est devenu en ce début de XXIe siècle l’équivalent du voyage en Amérique au début du XXe. On va y voir le géant d’aujourd’hui, et surtout de demain, avec un mélange de fascination et de cupidité. Fascination pour ces gigantesques « villes debout », comme disait Céline de New York. Cupidité pour tous les « contrats » qu’on rêve d’y signer. Emmanuel Macron n’échappe pas à cette chimère lorsqu’il s’y rend, un peu comme Angela Merkel qui impressionne les médias en faisant le voyage pour Pékin plusieurs fois par an. Les Français veulent y déceler le secret des exportations colossales de notre voisin en matière d’automobiles et de machinesoutils. Et si l’industrie allemande avait simplement les bons produits au bon moment sur le bon marché ? Le luxe français n’a pas besoin du VRP élyséen pour vendre à foison en Asie. L’agroalimentaire non plus. L’Elysée explique que le Président va permettre aux marques alimentaires hexagonales d’être mieux protégées. Pourquoi pas ? Il faut seulement rappeler que les autorités françaises ne peuvent agir qu’à la marge : en matière de négociation commerciale, c’est la Commission de Bruxelles qui a la seule compétence.
Et l’idéologie de celle-ci est restée la même depuis les années 1980 : libre-échange, concurrence et consommateurroi. Cette idéologie n’est pas de la naïveté, mais y ressemble furieusement. Dans les années 1990, les politiques et les patrons français – et européens – affirmaient que la Chine ferait pendant des décennies du textile tandis qu’on lui vendrait des Airbus. C’est avec cette arrogance stupide que les Occidentaux ont fait entrer la Chine dans l’OMC en 2001. La suite est connue : un carnage pour notre industrie textile, mais pas seulement. On évaluait à un million d’emplois perdus le résultat de cette ouverture. Mais, à l’époque, c’étaient les industriels européens et américains qui menaient la danse en délocalisant leurs usines. Très vite, les Chinois sont montés en gamme. Pas difficile. Ils avaient sur place les technologies que les Occidentaux leur avaient mise sous le nez. Il suffisait de piller, de copier, voire d’améliorer. Désormais, les Chinois font des avions qui ressemblent aux Airbus et des centrales nucléaires. Ils nous concurrencent et nous dépassent.
Ce constat piteux et alarmiste est partagé à Washington, à Bruxelles, à Paris et à Berlin. Mais les réactions ne sont pas les mêmes. Trump a décidé d’affronter son rival, de remonter les droits de douane, de mettre au pilori les voleurs de technologie. Ce n’est pas la panacée, les « chaînes de valeur » des multinationales sont désorganisées, mais au moins les Chinois sont dérangés dans leur tranquille travail de pillage organisé. Ils achètent moins de voitures allemandes. Les Européens affolés en rajoutent dans l’ouverture. C’est toujours l’histoire de Mars et Vénus. Les chinois leur jouent l’air qu’ils veulent entendre : libreéchange pour le monde ; protectionnisme chez eux. Les Européens continuent d’être les idiots du village mondial. Macron veut changer cela. Le peut-il ?