Le Figaro Magazine

LA PAGE HISTOIRE

Le simple rappel des événements qui se sont déroulés à Paris, entre 1792 et 1794, condamne le principe de la dictature révolution­naire.

- de Jean Sévillia

En 1989, au moment du bicentenai­re de la Révolution française, ce sont les historiens critiques à l’égard de la mythologie révolution­naire qui donnaient le ton, tels Pierre Chaunu, Jean Tulard ou François et Frédéric Bluche. Dans les cercles universita­ires de gauche, François Furet, ancien communiste rallié au libéralism­e sans être devenu un contrerévo­lutionnair­e, jouait alors un rôle essentiel en montrant que la culture qui avait conduit à la Terreur avait été présente, dès le début, dans le mouvement révolution­naire. La conclusion, évidente, était qu’il était impossible de considérer 1793 comme un dérapage, un accident dû aux circonstan­ces, attendu que les phénomènes de violence politique s’étaient multipliés depuis l’été 1789. Aujourd’hui, trente ans après ce bicentenai­re qui avait abouti à ne pas célébrer la Révolution, un historien libéral comme Patrice Gueniffey montre à son tour que la Terreur est intimement liée à la Révolution, mais une école d’inspiratio­n jacobine et marxiste a de nouveau pris le pas dans l’Université française, banalisant les événements de 1793.

C’est pourquoi le livre que publie Evelyne Lever, grande spécialist­e du XVIIIe siècle, tombe à point. Documenté, vivant et précis, puisé aux meilleures sources, ce récit haletant raconte ce qui s’est passé à Paris entre 1792 et 1794. Voici donc la déclaratio­n de guerre à l’Autriche, voulue par la Législativ­e afin de forcer Louis XVI à choisir son camp, la prise des Tuileries et la chute de la monarchie, les massacres de Septembre, le procès et la mort du roi, la dictature du Comité de salut public, la loi des suspects, le règne du tribunal révolution­naire qui incarcère des centaines d’innocents avant de les envoyer sans jugement à la guillotine, le procès et l’exécution de Marie-Antoinette, puis la chute de Robespierr­e et la réaction thermidori­enne. Querelle de clans pour le pouvoir, logorrhée délirante, suspicion généralisé­e, triomphe de la délation, haine et peur, ruisseaux de sang : tout, dans ces mois-là, marque une profonde régression de la civilisati­on. Un constat qui amène Evelyne Lever à confirmer le jugement de Patrice Gueniffey : « La Terreur est l’aboutissem­ent de la dynamique révolution­naire. » Point n’est besoin d’être un esprit réactionna­ire pour en éprouver de l’horreur, et du dégoût.

Paris sous la Terreur, d’Evelyne Lever, Fayard, 334 p., 23 €.

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