LONDRES UNDERGROUND
★★★ LA FABRIQUE DES POUPÉES, d’Elizabeth Macneal, Presses de la Cité, 364 p., 22 €. Traduit de l’anglais par Karine Guerre.
Londres 1850 : la foule se presse à Hyde Park pour admirer la construction du Crystal Palace, grandiose palais de verre qui abritera la première Exposition universelle et témoignera au monde entier de la puissance de l’Empire. Profitant de son dimanche, Iris, éclatante rousse atteinte d’une déformation de la clavicule, est venue accompagnée de sa jumelle, Rose, ancienne beauté défigurée par la variole. La semaine, les deux soeurs s’épuisent au travail dans la boutique de poupées de l’horrible Mrs Salter : l’une brode des vêtements miniatures, l’autre peint des visages de porcelaine. Mais si Rose, fataliste, accepte sa condition en ruminant, Iris, bouillonnante de liberté, se rêve artiste. La chance lui sourit lorsque Louis Frost, jeune peintre préraphaélite, voit en elle l’héroïne de la toile qu’il veut présenter à la Royal Academy et lui propose de devenir son modèle. Iris accepte, mais en échange de leçons de peinture. Alors qu’une nouvelle vie s’offre à elle, un inquiétant taxidermiste, tombé lui aussi sous son charme, l’épie et, dans l’ombre, attend son heure. La crasse, la puanteur, le brouillard, le froid, la misère et la violence : bienvenue dans les bas-fonds londoniens de la fin du XIXe siècle où se croisent prostituées, saute-ruisseaux, bourgeois cherchant à s’encanailler et confréries de peintres bohèmes. Réaliste et richement documenté, ce roman noir flirte autant avec le conte fantastique que le thriller trépidant. Ames sensibles s’abstenir.