Le Figaro Magazine

ÉLÉGANCE DE CIRCONSTAN­CE

LA BONNE MESURE DU TAILLEUR SCAVINI

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Lors d’un séjour en Champagne, je m’arrêtai pour déjeuner. Face à Epernay, l’immense salle du restaurant déployait ses baies vitrées avec une vue imprenable sur les vignes. Pour l’occasion, ma petite coterie avait fait un effort : cravate sous un pull avec blazer et, pour ma part, immense pochette un peu tapageuse sur une forestière marine. Le but n’était pas d’être endimanché, mais simplement de valoriser ce moment et de se mettre au diapason du lieu. Installés à table, nous pouvions, en effet, apprécier la décoration avec des suspension­s en cristal, des murs marouflés de flanelle, du parquet de chêne, du travertin incrusté d’abeilles en laiton… Que d’attentions pour mettre en relief les vertus de la carte gastronomi­que. Au fur et à mesure que la salle se remplissai­t, nous observions le même défilé vestimenta­ire. Les messieurs, tous sur le même moule, affichaien­t un jean, une chemise de marque américaine et une doudoune sans manches. Je comprends que l’on veuille vivre avec simplicité, mais c’est le manque de singularit­é que je regrette. Leur tenue n’aurait sans doute pas été différente s’ils étaient allés acheter un motoculteu­r. Encore heureux, aucun ne portait le fameux gilet de pêche parfois aperçu à l’opéra, comble du pratique avec ses multiples poches. A l’inverse, les dames étaient toutes belles, élégantes. Coiffures et tenues étaient pimpantes. Aux pieds, les escarpins luisaient. Les femmes – on peut les en remercier – savent encore s’habiller à la mesure de l’événement. Dernière image de ce déjeuner dominical, la vision d’un couple entre deux âges où le monsieur avait sorti pour l’occasion une veste de velours de L’Homme Moderne et une cravate avec le drapeau américain. Si, pour être honnête, je ricanai intérieure­ment, en fait, je lui aurais bien serré la main en lui disant merci !

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