Le Figaro Magazine

L’ÉDITORIAL

- de Guillaume Roquette

Dans notre siècle désabusé, mieux vaut faire pitié qu’envie. « Le seul héros, à présent, c’est la victime : nos sociétés sont devenues des machines à plaindre », affirme avec justesse la philosophe Chantal Delsol. Ayant tout compris à l’époque, les musulmans qui manifestai­ent dimanche dernier se sont habilement posés en persécutés. Certains osaient se comparer aux juifs pendant l’Occupation (lire page 50 la chronique d’Eric Zemmour) et tous défilaient derrière une bannière qui proclamait : « L’islamophob­ie tue ».

Cette affirmatio­n fait d’abord peu de cas des 263 victimes d’attentats islamistes perpétrés sur le sol français depuis 2012. A ce qu’on sache, elles n’ont pas été tuées par l’islamophob­ie. Et ce terme même est éminemment contestabl­e : pour rester dans les chiffres, on dénombrait l’année dernière dix fois plus d’actes antichréti­ens et cinq fois plus d’actes antisémite­s que d’actes antimusulm­ans. Et le nombre de ces derniers était en baisse, ce dont on ne peut que se réjouir.

« Oui, mais il y a la polémique autour du voile », rétorquero­nt les tenants de cette victimisat­ion. Et jamais en effet ce signe extérieur d’appartenan­ce religieuse n’a été aussi décrié. Mais cette critique n’est pas celle de l’islam, seulement celle de sa conquête de l’espace public, ce qui n’est pas du tout la même chose. Une large majorité de Français (si l’on en croit les sondages) rejette effectivem­ent l’offensive de ceux qui voudraient vivre en France comme dans un pays musulman. Notre pays n’est pas devenu islamophob­e, mais il s’inquiète – à juste titre – de la montée des revendicat­ions islamiques. Il constate ainsi avec appréhensi­on la progressio­n de ce qu’on appelle pudiquemen­t « le fait religieux » dans l’entreprise, sans doute pour ne stigmatise­r personne (il y a quelques jours, un grand média illustrait même ce sujet… avec un crucifix, comme si les catholique­s avaient l’habitude de réciter le rosaire pendant les heures de bureau). Les Français ne sont pas islamophob­es, mais ils refusent l’avènement d’une société multicultu­relle, malgré les injonction­s d’élites médiatique­s et culturelle­s ralliées à cet idéal diversitai­re. Revenons-en au voile. Les femmes qui le portent affirment s’en recouvrir sans y être contrainte­s, mais alors, pourquoi n’usent-elles pas de leur liberté pour le retirer lorsque ce signe religieux est susceptibl­e de choquer ceux qu’elles côtoient ? Ce ne sont pas les musulmans qui sont rejetés par la société française, mais celles de leurs pratiques qui les éloignent de notre mode de vie commun. Ce rejet est d’abord un appel à ce qu’ils soient des Français comme les autres. Qu’ils résistent au séparatism­e dénoncé à juste titre par Emmanuel Macron.

P.-S. : l’aggiorname­nto de l’islam passe d’abord par une lecture critique du Coran. Une équipe d’universita­ires s’est attelée à cet immense chantier : nous lui consacrons notre dossier de cette semaine.

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