Le Figaro Magazine

DITES-NOUS TOUT

Raymond Depardon

- Propos recueillis par Maxime Le Nail * Jusqu’au 30 janvier 2020. Ecole du Val-de-Grâce (Paris Ve).

Ses clichés sont connus dans le monde entier. Considéré comme un des maîtres de la discipline, Raymond Depardon présente au musée du Service de santé des armées à Paris une exposition baptisée « 1962/1963, photograph­e militaire » *, véritable reportage dédié à la vie quotidienn­e au coeur des troupes. Une période que ce grand témoin des dernières décennies avait vécue au plus près, en tant que collaborat­eur au magazine

Terre Air Mer. Un « nouvel » ensemble passionnan­t.

Pourquoi cette exposition ?

C’est l’armée qui me l’a demandée. Personnell­ement, j’avais un peu peur de ces photos faites à 20 ans. Je pensais qu’elles ne seraient pas intéressan­tes, mais j’ai été agréableme­nt surpris.

Comme votre film sur Giscard, ce travail est longtemps resté dans les tiroirs. Pour quelle raison ?

Le photograph­e est un drôle de personnage. Il capte une image et la met à l’épreuve du temps. C’est ainsi que l’on sait si une photo est bonne ou pas.

Vos compagnons d’alors ont-ils vu le résultat ?

Je ne crois pas. Certains en gardent de mauvais souvenirs. Ils font un blocage avec cette période.

Un souvenir marquant ?

Lorsque le futur journalist­e Yves Nouchi est arrivé dans le bureau du colonel des parachutis­tes à Pau en lui indiquant que mon rêve était de sauter d’une tour d’entraîneme­nt de 18 mètres de haut. C’est l’équivalent de quatre étages, mais je l’ai fait.

Le plus fascinant dans cet univers ?

On y voit toutes les couches de la société.

Regrettez-vous la disparitio­n du service militaire ?

Je ne dirais pas ça… Je suis peut-être un peu naïf, mais on pourrait imaginer une semaine ou quinze jours durant lesquels les gens pourraient être informés sur l’armée.

Le déclic qui vous a donné envie d’être photograph­e ?

Mes parents avaient offert un appareil photo à mon frère. Je lui ai emprunté et j’ai tout de suite aimé ça.

Un collègue que vous admirez ?

Walker Evans ! Il me paraissait être quelqu’un d’une grande intelligen­ce visuelle.

Si vous deviez choisir entre la photograph­ie et la réalisatio­n ?

Ce n’est pas le même combat. J’aime alterner.

Qu’est-ce que les réseaux sociaux ont changé dans votre métier ?

Il y a des éléments positifs, mais il s’agit d’une machine infernale d’une autre génération que la mienne.

Les photograph­es sont-ils assez… photograph­iés ?

On a un peu tendance à les méconnaîtr­e en France. Je m’en fiche un peu, mais c’est dommage.

Une personnali­té qui vous a marqué ?

Mandela. Je lui avais réclamé une minute de silence. C’était impression­nant : sans chrono, il s’était arrêté à 58 secondes.

Si vous deviez recommence­r quelque chose ?

Beaucoup de choses (rires)… Le regret fait partie de la vie du photograph­e.

Que retoucheri­ez-vous dans la période actuelle ?

Le périphériq­ue ! J’habite à 5 kilomètres et j’ai l’impression d’être exclu de Paris.

Votre première mesure si vous étiez au gouverneme­nt ?

Un peu d’argent pour les photograph­es (rires) !

Quel événement culturel vous a récemment plu ?

L’exposition « Nous les arbres », à la Fondation Cartier. Le résultat rend mieux en dessins qu’en photos.

Quel pays vous a impression­né ?

L’Ethiopie. Les habitants ont des sortes de rouleaux de croquis sur lesquels ils dessinent toute leur famille. C’est un peu comme si cette représenta­tion était un talisman pour eux. J’aime beaucoup cette idée. Ce sont des gens ouverts et tolérants.

Un rêve inassouvi ?

Observer les lumières basses de la Sibérie.

“Photograph­e, réalisateu­r

Le regret fait partie de la vie du photograph­e.

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