DITES-NOUS TOUT
Raymond Depardon
Ses clichés sont connus dans le monde entier. Considéré comme un des maîtres de la discipline, Raymond Depardon présente au musée du Service de santé des armées à Paris une exposition baptisée « 1962/1963, photographe militaire » *, véritable reportage dédié à la vie quotidienne au coeur des troupes. Une période que ce grand témoin des dernières décennies avait vécue au plus près, en tant que collaborateur au magazine
Terre Air Mer. Un « nouvel » ensemble passionnant.
Pourquoi cette exposition ?
C’est l’armée qui me l’a demandée. Personnellement, j’avais un peu peur de ces photos faites à 20 ans. Je pensais qu’elles ne seraient pas intéressantes, mais j’ai été agréablement surpris.
Comme votre film sur Giscard, ce travail est longtemps resté dans les tiroirs. Pour quelle raison ?
Le photographe est un drôle de personnage. Il capte une image et la met à l’épreuve du temps. C’est ainsi que l’on sait si une photo est bonne ou pas.
Vos compagnons d’alors ont-ils vu le résultat ?
Je ne crois pas. Certains en gardent de mauvais souvenirs. Ils font un blocage avec cette période.
Un souvenir marquant ?
Lorsque le futur journaliste Yves Nouchi est arrivé dans le bureau du colonel des parachutistes à Pau en lui indiquant que mon rêve était de sauter d’une tour d’entraînement de 18 mètres de haut. C’est l’équivalent de quatre étages, mais je l’ai fait.
Le plus fascinant dans cet univers ?
On y voit toutes les couches de la société.
Regrettez-vous la disparition du service militaire ?
Je ne dirais pas ça… Je suis peut-être un peu naïf, mais on pourrait imaginer une semaine ou quinze jours durant lesquels les gens pourraient être informés sur l’armée.
Le déclic qui vous a donné envie d’être photographe ?
Mes parents avaient offert un appareil photo à mon frère. Je lui ai emprunté et j’ai tout de suite aimé ça.
Un collègue que vous admirez ?
Walker Evans ! Il me paraissait être quelqu’un d’une grande intelligence visuelle.
Si vous deviez choisir entre la photographie et la réalisation ?
Ce n’est pas le même combat. J’aime alterner.
Qu’est-ce que les réseaux sociaux ont changé dans votre métier ?
Il y a des éléments positifs, mais il s’agit d’une machine infernale d’une autre génération que la mienne.
Les photographes sont-ils assez… photographiés ?
On a un peu tendance à les méconnaître en France. Je m’en fiche un peu, mais c’est dommage.
Une personnalité qui vous a marqué ?
Mandela. Je lui avais réclamé une minute de silence. C’était impressionnant : sans chrono, il s’était arrêté à 58 secondes.
Si vous deviez recommencer quelque chose ?
Beaucoup de choses (rires)… Le regret fait partie de la vie du photographe.
Que retoucheriez-vous dans la période actuelle ?
Le périphérique ! J’habite à 5 kilomètres et j’ai l’impression d’être exclu de Paris.
Votre première mesure si vous étiez au gouvernement ?
Un peu d’argent pour les photographes (rires) !
Quel événement culturel vous a récemment plu ?
L’exposition « Nous les arbres », à la Fondation Cartier. Le résultat rend mieux en dessins qu’en photos.
Quel pays vous a impressionné ?
L’Ethiopie. Les habitants ont des sortes de rouleaux de croquis sur lesquels ils dessinent toute leur famille. C’est un peu comme si cette représentation était un talisman pour eux. J’aime beaucoup cette idée. Ce sont des gens ouverts et tolérants.
Un rêve inassouvi ?
Observer les lumières basses de la Sibérie.
“Photographe, réalisateur
”
Le regret fait partie de la vie du photographe.