Le Figaro Magazine

LES CLÉS POUR COMPRENDRE

- Par Vincent Jolly

Une récente série d’exécutions et d’événements sanglants a illustré l’extrême violence et la totale impunité de ces organisati­ons criminelle­s dans le pays, ainsi que leur capacité à faire plier à leur guise un gouverneme­nt toujours aussi impuissant face à elles. 1 L’ESCALADE DE LA VIOLENCE

Ces dernières semaines, plusieurs événements tragiques ont mis les cartels sous les lumières de l’actualité internatio­nale. D’abord avec ce journalist­e américain, blessé par balle lors d’une interview d’un chef de gang, à Ciudad Juárez. Puis quelques jours plus tard avec le spectacula­ire siège de Culiacán, dans l’État de Sinaloa, fief du cartel du même nom, où des centaines d’hommes inféodés à l’organisati­on criminelle ont pris le contrôle de la ville en ouvrant le feu sur les forces de l’ordre avec des mitrailleu­ses de calibre 50. Plus récemment, le massacre de ressortiss­ants américains issus d’une communauté mormone dans le nord du pays a déclenché l’ire du président américain et a défrayé la chronique dans le monde entier. Enfin, l’exécution de 13 policiers dans le Michoacán, pris en embuscade par des sicarios. Ces drames ne sont pourtant que des épisodes d’une triste banalité, et s’inscrivent dans le sillage sanglant que laissent derrière eux les cartels de la drogue depuis plusieurs décennies. Ils ont cependant permis de dévoiler les lacunes grossières de Donald Trump sur la question, ainsi que la faiblesse du gouverneme­nt mexicain face à ces organisati­ons.

2 L’ABDICATION DU GOUVERNEME­NT

Le fameux siège de Culiacán par les hommes du cartel de Sinaloa était une réponse à une arrestatio­n. Celle d’Ovidio Guzmán, le fils de Joaquin Guzmán, dit El Chapo, par la police mexicaine. Mais plus que les images effarantes d’hommes munis de mitrailleu­ses lourdes mettant à feu et à sang une ville de près de un million d’habitants, ce fut la réaction du gouverneme­nt d’Andrés Manuel López Obrador (Amlo) qui indigna le monde entier. En moins de 24 heures, son gouverneme­nt courbait l’échine en accédant à la demande du cartel et en relâchant le prisonnier. « On ne peut pas combattre le feu par le feu. On ne veut pas de mort, on ne veut pas la guerre », a-t-il déclaré. « Avec la justice, nous garantisso­ns la paix et la tranquilli­té dans le pays. » En prenant en otage des familles de militaires locaux et des officiers de police, les cartels sont parvenus à forcer la main d’Amlo, qui a ainsi évité un véritable bain de sang (les affronteme­nts ont fait moins d’une vingtaine de morts). Mais ils auront aussi démontré leur capacité, via un déchaîneme­nt de violence aveugle, à faire publiqueme­nt plier l’échine au chef d’État de la seconde puissance économique d’Amérique latine.

3 DES SOLUTIONS INADAPTÉES

Devant ce cancer criminel institutio­nnalisé, dont les métastases de corruption ont infiltré toutes les couches de la société mexicaine, la liste des solutions efficaces pour endiguer ce fléau est aujourd’hui réduite à peau de chagrin. La solution militaire, la fameuse War on Drugs prônée par le président Calderón entre 2006 et 2012, n’a fait qu’aggraver la situation. Et si le mandat présidenti­el d’Enrique Peña Nieto a vu la capture (à deux reprises) d’El Chapo, le procès de ce dernier révélera d’importants soupçons de pots de vin versés à l’ancien président par le cartel de Sinaloa. Quant à la politique d’Amlo, elle ne semble pas parvenir à faire baisser la criminalit­é dans un pays où l’on dénombre 33 000 homicides en 2018. Comme l’a dit Donald Trump, les cartels sont « des monstres ». Mais comme il l’a suggéré dans un discours, vouloir « envoyer une armée pour détruire une armée » afin de « les éradiquer de la surface de la planète » ne saurait résoudre ce problème. Sans doute faudrait-il commencer par s’attaquer aux 150 000 armes à feu qui ont été transporté­es des États-Unis au Mexique entre 2007 et 2018, et que les cartels utilisent quotidienn­ement pour terroriser la population…

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