Le Figaro Magazine

DITES-NOUS TOUT

- Lisa Brennan-Jobs

Lisa Brennan-Jobs, fille de Steve Jobs, publie Petite chose *, à 41 ans. Dans ce livre qui rencontre un grand succès aux ÉtatsUnis, elle raconte comment elle a grandi entre une mère cyclothymi­que et un père célébrissi­me.

Vous avez une mémoire très précise des événements de votre enfance…

En fait, les souvenirs ont resurgi en écrivant. J’ai écrit et réécrit ce livre au moins sept fois entre 30 et 40 ans.

Vous avez eu du mal ?

C’était très difficile de trouver le ton et le juste regard sur mon père. Au début, je décrivais tout de façon clinique et lointaine. J’ai réussi à y mettre mes sentiments.

Vous aviez pourtant dit à votre père que vous n’écririez rien, ce dont il s’était réjoui…

C’est vrai. Un jour, j’ai lu dans

Patrimoine. Une histoire vraie, de Philip Roth, qu’il avait aussi dit ça à son père… J’y ai vu le signe dont j’avais besoin pour me jeter à l’eau.

Il est pingre avec vous : en paroles, en argent, en amour…

Nous avons eu nos hauts et nos bas. Il a vraiment eu du mal à me reconnaîtr­e dans tous les sens du terme. Sur l’argent, je le comprends. Il ne voulait pas me gâter, comme beaucoup de millionnai­res autour de lui, et encore plus les pères séparés.

Avez-vous l’impression d’avoir eu une jeunesse très différente des autres ?

Les contrastes étaient très forts entre ma mère artiste souvent sans un sou et mon père devenu une star, mais j’ai eu le même parcours que beaucoup d’enfants de parents divorcés.

Vous a-t-il finalement laissé une part de son héritage ?

Il a laissé l’essentiel à son épouse, mais il m’a donné, ainsi qu’aux autres enfants, de quoi vivre décemment.

Enfant, vous l’idéalisiez, puis vous avez pris vos distances…

Je ne suis pas une « Steve Jobs junkie », je suis contente d’avoir un ordinateur et un téléphone portable, mais je ne fais plus attention quand je vois encore aujourd’hui son portrait sur les couverture­s de magazines. Ce qui compte, c’est notre histoire qui s’est mieux terminée qu’elle n’avait commencé.

Votre personnage est très agressif dans le film de fiction sur votre père…

Je ne l’ai pas vu, mais c’est faux. Je cherchais son amour et son approbatio­n. Je n’étais pas en guerre contre lui, même si nous avons eu de grandes périodes de brouille.

Vous avez 8 ans et il vous parle de sa passion pour Ingrid Bergman qu’il imagine nue sur la plage… Bizarre !

C’était une époque où on considérai­t les enfants comme de petits adultes… Mais il était parfois très maladroit en tête à tête, et il redevenait très brillant et naturel en public.

Quelle chanson choisiriez-vous pour illustrer votre vie ?

J’aime beaucoup les musiques d’Erik Satie. Mais je choisirais

I Wish I Knew How It Would Feel to Be Free, de Nina Simone.

Quel livre avez-vous le plus lu ?

Expiation, de Ian McEwan.

Votre héros de fiction préféré ?

J’aime le personnage de Caro dans le livre de Shirley Hazzard, Le Passage de Vénus.

Et dans la vie, qui sont vos héros ?

Harriet Tubman, et quiconque défendant l’autonomie des femmes dans le monde ou une meilleure vie pour les enfants.

Votre endroit préféré ?

Les collines de Berkeley, près de San Francisco, les plantation­s d’eucalyptus et la lumière diffuse.

Ce que vous emporterie­z de votre maison en feu ?

Mon fils, mes filles par alliance, et si mon mari a le temps, qu’il récupère les passeports et une sculpture de June Leaf.

Qui inviteriez-vous pour un dernier dîner ?

Karen Blixen. Je voudrais l’entendre parler de l’Afrique d’il y a longtemps. Il faudrait servir un vin délicieux !

“Je ne suis pas une Steve Jobs junkie ”

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