LES RENDEZ-VOUS
L’académicien réédite ses essais historiques sur Bernis, Morny et Napoléon. Il y ajoute plusieurs portraits de nos hommes politiques actuels. C’est féroce et réjouissant.
Dans l’oeuvre romanesque de Jean-Marie Rouart, les héroïnes occupent une place centrale, souvent bien plus importante que celle accordée à ses héros, qu’il serait d’ailleurs plus juste de qualifier d’antihéros. On rencontre toujours de beaux portraits de femmes dans les romans de Rouart ; à l’inverse, ses essais donnent la part belle à l’homme. Ce constat saute aux yeux lorsque l’on compare les deux volumes de la collection Bouquins consacrés aux deux versants de son oeuvre. En cette époque de confusion des genres, certains y verront comme une perspective cavalière ; d’autres un désir d’ordonnancement ou une logique secrète. Peu importe, au fond. On pourrait tout aussi bien insister sur les quelques points communs à ses romans et essais historiques : l’ardeur dans le style, le romantisme en toile de fond, la passion de l’histoire, le goût de la tragédie, la fascination pour les grands destins.
LES AVENTURIERS DU POUVOIR, de Jean-Marie Rouart, Robert Laffont,
« Bouquins », 800 p., 30 €.
Dans Les Aventuriers du pouvoir, on retrouvera trois de ses biographies (celles de Bernis, Morny et Napoléon). Rouart y a adjoint une galerie de portraits d’hommes politiques contemporains, qu’il a été amené à croiser à maintes reprises au cours de sa carrière de journaliste. Parmi eux, de Gaulle et Mitterrand, Giscard et Sarkozy, Chirac et Hollande, mais aussi Macron, Villepin, Fillon, Juppé, etc. Il faut lire ces portraits, qui oscillent sans cesse entre férocité souriante et moquerie dévastatrice. Ainsi les portraits de Giscard et Villepin sont-ils de grands moments de littérature. « En France, on a toujours conféré une aura presque religieuse aux hommes d’État, dit l’auteur. Or celle-ci a été tuée, avec le merveilleux qui l’accompagnait, par la démagogie, le tutoiement, le grand débat, etc. Il est logique que nous nous sentions orphelins de la grandeur. » On le voit : Rouart reste un romantique, toujours en quête de héros désignés par le mouvement de l’histoire – qu’il nomme la destinée.
“Ce n’est pas au hasard que j’ai choisi les grands hommes dont j’ai tenté moins
de raconter la vie que d’en déchiffrer l’énigme”