L’ÉDITORIAL
Les faits sont têtus. Partout en Europe, le nombre de naissances baisse et l’espérance de vie augmente. Partout ou presque en Europe, on a donc repoussé sérieusement l’âge de la retraite. Partout… sauf en France. Et le très officiel conseil d’orientation des retraites vient de présenter la facture de cette inaction : en 2025 (c’est demain), il manquera entre 8 et 17 milliards dans les caisses pour assurer l’équilibre du système.
Le gouvernement s’est cru plus intelligent que tout le monde en promettant de réformer notre régime des retraites pour le rendre plus équitable (ce qui était un excellent projet) tout en feignant d’oublier qu’il fallait d’abord et avant tout trouver davantage d’argent. Or, le seul moyen efficace de renflouer durablement les différents régimes est de repousser l’âge légal de fin de la vie active.
Alors que le Premier ministre était ouvert à cette initiative, le président de la République l’a clairement écartée et ce manque de courage met désormais gravement en danger l’idée même de réforme. Les Français, qui ne sont pas idiots, se disent que le pouvoir est en train de les enfumer en s’apprêtant à durcir sans le leur dire les conditions de départ à la retraite. Résultat : ils sont de plus en plus nombreux à vouloir que rien ne change. Ajoutez à cette défiance la colère légitime des cotisants aux régimes excédentaires (avocats, professions de santé…) qui refusent que leurs 140 milliards de réserves servent à financer le trou des retraites de la fonction publique et vous comprendrez comment on transforme une bonne idée en bombe à retardement. D’autant que les privilégiés du système actuel, bénéficiaires des régimes spéciaux, comptent évidemment sur ce mécontentement pour continuer à faire plier Emmanuel Macron.
Face à la montée des oppositions, le chef de l’État est, paraît-il, tenté d’enterrer la réforme en la réservant à ceux qui n’ont pas encore commencé à travailler. C’est ce que l’on appelle, on ne sait trop pourquoi, « la clause du grand-père » (comme si nos grands-parents ne partaient pas à la retraite à 65 ans jusqu’en 1981, alors même que le nombre de cotisants pour un retraité était plus du double de celui d’aujourd’hui). Brillante idée en vérité que de repousser dans 42 ans le traitement d’un problème qui se pose aujourd’hui même ! Comme disait le regretté Edgar Faure : « L’immobilisme est en marche et rien ne peut l’arrêter. »
Outre que la clause du grand-père ne réglerait en rien le problème du déficit des régimes en vigueur, qui impose des mesures rapides, elle revient à faire une fois de plus peser sur les épaules des jeunes générations le poids de notre impéritie. Celles-ci sont déjà victimes de l’effondrement de notre système éducatif, elles devront déjà supporter une dette publique abyssale (et qui va continuer à croître, puisque Emmanuel Macron a officiellement abandonné la règle de 3 % de déficit public), il serait profondément injuste de leur faire financer par surcroît des avantages dont ils ne bénéficieront jamais.