MOIS DU CANCER DU POUMON: UN NOUVEL ESPOIR
Certains dénoncent la lenteur des travaux, l’inaction du gouvernement sclérosé par la corruption
En France, le cancer du poumon est la cause de plus de 33 000 décès par an. L’absence de symptômes particuliers au début de la maladie explique pourquoi 75 % d’entre eux sont découverts à un stade avancé*. Un retard de diagnostic qui réduit fortement l’espérance de vie des malades alors même que la mise en place d’un dépistage systématique sur les populations à risque, mesure soutenue par la communauté médicale et scientifique, pourrait sauver 7 500 vies tous les ans.
« L’objectif est de sélectionner une population à risque (majoritairement des fumeurs et des anciens fumeurs) et de leur faire passer, à partir d’un âge qu’il reste à définir, un test sanguin et/ou un scanner thoracique à faible dose pour détecter précocement une éventuelle tumeur », explique le Pr Paul Hofman du CHU de Nice. C’est d’ailleurs « pour faire avancer les choses dans ce domaine qu’AstraZeneca a lancé l’appel à projet « Explore » qui financera, à hauteur de 600 000 euros, les 4 projets sélectionnés en septembre dernier par un comité scientifique indépendant ».
Si le dépistage organisé est un moyen de lutter efficacement contre le cancer du poumon, l’arrivée récente des thérapies ciblées et de l’immunothérapie représente un progrès incontestable. Quand les
premières consistent « à fixer des inhibiteurs sur des anomalies comme des mutations repérées à la surface des cellules cancéreuses afin de les détruire », la seconde
« aide le système immunitaire à combattre la maladie en faisant en quelque sorte tomber le « masque » des cellules cancéreuses qui les fait passer pour des cellules saines », détaille le Pr Sébastien Couraud de l’Institut de cancérologie des Hospices Civils de Lyon. Des nouveaux moyens d’action qui ont largement augmenté l’espérance de vie des patients ainsi que leur qualité de vie.
Si l’objectif ultime d’une guérison pour les malades les plus atteints n’est plus une chimère, celui d’arrêter la progression de la maladie grâce à ces traitements est quant à lui déjà tangible. Plus que jamais, en ce mois de sensibilisation au cancer du poumon, l’espoir est là.
*Institut national du cancer (INCa). Global Lung Cancer Coalition - Guardant Health
29 ans, Ismaël a un sourire franc et chaleureux. Ses yeux rieurs expriment une joie de vivre et une grande sensibilité miraculeusement préservées de la brutalité et de la barbarie qu’il a dû, pourtant, regarder en face chaque jour durant le sombre règne du califat.
TRAVAUX D’HERCULE
Né en 1990, Ismaël n’a connu que la guerre dans son pays, mais, pour lui, Daech est la pire des malédictions. « Ils nous obligeaient à assister aux exécutions publiques, récompensaient les meilleurs élèves de leurs écoles en leur offrant la possibilité de tuer quelqu’un de leurs propres mains. Daech est encore là. De nombreuses familles à Mossoul ont collaboré. Croire que c’est terminé est une grave erreur. »
Pour oublier, Ismaël s’affaire à reconstruire cette ville et la débarrasser de ses démons qui la hantent encore. Le jeune homme ne chôme pas car il travaille essentiellement à reconstruire les cinq ponts reliant les deux rives de la ville et dynamités par les islamistes. Mais plus de deux ans après la fin de la guerre, l’ingénieur dénonce la lenteur des travaux, l’inaction du gouvernement sclérosé par la corruption, tandis qu’une partie de la population survit au milieu des gravats, dans la vieille ville. « Des chevaux de bronze encore sous plastique ont été posés le long d’une artère principale de la ville. A-t-on besoin de ça ? »
Ismaël questionne sans ambages ce sens des priorités. « Ces projets sont des arrangements entre amis. Nos politiques sont des incapables. Ils font n’importe quoi. Mossoul fourmille de projets, mais ils sont souvent abandonnés car l’argent se perd dans le dédale de la corruption. Je travaille beaucoup, mais je n’ai pas beaucoup d’espoir que
les choses s’arrangent ici. Daech est un monstre, mais il est un ennemi identifié. La corruption est un ennemi déguisé qui nous tue de l’intérieur. »
120 morts, c’est le bilan de l’ancien gouverneur Nawfal al- Katoub. Sa corruption décomplexée et outrancière a endeuillé de nombreuses familles, à cause du naufrage sur le Tigre, en février dernier, d’un ferry qui ne devait pas naviguer. L’homme est en cavale et son successeur Mansour Marid se défend des accusations de lenteur portées contre l’administration. « Dans la vieille ville, entre 40 et 60 % des maisons ont été détruites. Le gouvernement irakien, s’agace le politique, travaille en étroite collaboration avec l’Unesco pour sa reconstruction. Mais nous devons concentrer nos efforts sur l’aéroport, les routes, les hôpitaux, mais aussi la sécurité pour que les Mossouliotes encore entassés dans des camps se décident à revenir. » Dans le Legend Cafe, en face de l’université de Mossoul, la résistance s’organise. Chaque samedi matin, ils sont une vingtaine d’intellectuels, universitaires, historiens ou chercheurs, à se retrouver pour évoquer le sort de la vieille ville, ce quartier populaire pourtant riche de son histoire, de ses églises et mosquées vieilles de plusieurs siècles.
UN PATRIMOINE À PRÉSERVER
Ahmed Qasim, un archéologue spécialiste de ce quartier, précise y être né en 1938. Enfant, il y a usé ses culottes courtes et, depuis plus d’un demi-siècle, l’adulte qu’il est devenu a arpenté chaque recoin, chaque rue, chaque bâtiment, chaque motif, pour les répertorier et les dessiner avec précision. « Ce quartier ne représente que 5 % de Mossoul, mais il est l’âme de la ville, de notre histoire, de notre identité. Nos politiques pensent à l’argent, pas à l’héritage. Ils ont envoyé des bulldozers sur les vieux fort assyriens, s’étrangle le vieil homme. Ils ne voient que des briques et des investissements immobiliers, quand nous voyons un patrimoine. » La maison de l’archéologue déborde de livres et a été occupée par Daech. La famille tchétchène qui s’y était « invitée » a saccagé et détruit la moitié de ses ouvrages. Mais Ahmed Qasim est serein. « Ces incultes n’ont pas touché à mes plans, lâche-t-il dans un éclat de rire. Ils n’étaient pas capables de comprendre de quoi il s’agissait. Ils avaient pourtant un trésor sous leurs yeux. Sur la base de mes travaux, la vieille ville pourrait être reconstruite à l’identique. Mossoul n’est pas morte. » En partie dévastée et exsangue côté ouest, Mossoul, sur la rive est du Tigre, porte encore les stigmates de cette guerre. Les cimetières de carcasses d’ambulances, les impacts de mortiers et de balles sur certains immeubles disent la violence des combats et l’opiniâtreté des snipers de l’État islamique. Malgré tout, de ce côté de la ville, la vie a repris son cours.
À l’ouest du Tigre, les quartiers ont été un peu plus épargnés par les combats et la vie reprend, comme un pied de nez aux islamistes
Restaurants, boutiques, centres commerciaux fonctionnent à plein. La ville scindée offre deux visages. Dans le quartier de el-Ghebat (les arbres), au bord du fleuve, le paysage est verdoyant et les Mossouliotes viennent en nombre profiter des attractions : manèges, cafés, restaurants, aires de pique-nique près de l’eau. On sort en famille, en couple, entre amis, les rires et les éclats de voix résonnent jusque tard dans la nuit comme un pied de nez aux islamistes.
LA VIE PAR-DESSUS TOUT
Au milieu de cette agitation lumineuse et sonore, des néons très colorés indiquent le Kahramana Cafe : la terrasse est bondée et l’immense sono sature les oreilles d’un tube de Kadim Sahir, le chanteur populaire du moment. Les jeunes fument le narguilé, jouent aux cartes, aux dominos. Il y a tout juste deux ans, ils auraient été emprisonnés ou torturés pour une telle outrance. Ces jeunes goûtent aujourd’hui avec gourmandise une liberté retrouvée. « Avec Daech, il n’y avait plus rien que le silence et la mort, lâche Laith, le gérant des lieux. Tout ce bruit, cette agitation, c’est notre retour à la vie ! Les djihadistes nous ont dégoûtés de la religion. » Dans ce pays où l’islam est très présent, Laith frémit à l’idée de parler d’apostasie et tempère rapidement ses propos. « Beaucoup comme moi ne vont plus prier. Les islamistes ont imprégné, marqué et traumatisé la jeunesse avec la noirceur de leur âme. On ne peut s’empêcher de parler d’eux tous les jours et cela nous ronge. Daech a perdu la guerre, mais nous aussi. » ■
“On ne peut s’empêcher de parler d’eux tous les jours et cela nous ronge. Daech a perdu la guerre, mais nous aussi”
Le photographe Noël Quidu exposera ses photographies de trente années de conflits à la Galerie Durev Event,
56, bd de La Tour-Maubourg, Paris VIIe, du 27 novembre au 14 décembre.