Le Figaro Magazine

DITES-NOUS TOUT Haroun

- Propos recueillis par Clara Géliot * À Paris, Théâtre Édouard-VII, du 12 décembre 2019 au 2 février 2020, et en tournée.

Il pourrait être le petit frère de Gaspard Proust. Moins cynique que son aîné, Haroun est tout aussi impertinen­t et préfère, lui aussi, chercher l’inspiratio­n auprès des grands auteurs et des philosophe­s que sur la Toile ou dans les émissions de télé-réalité. Adoubé par Jean-Pierre Bacri, ce trentenair­e qui se décrit volontiers comme « fataliste optimiste » veille à rester discret sur ses origines pour permettre à son « humour sociétal »

de couvrir tous les sujets. Du voile à l’écologie, de la politique aux attentats, il livre ses réflexions sur l’époque tout en laissant (beaucoup de) place à la digression. À ceux qui n’auraient pas encore succombé, ses ultimes représenta­tions à Paris et en tournée * sonnent comme un dernier rappel !

Vos maîtres en matière d’humour ?

Ma vocation est née avec Coluche et Les Inconnus, qui avaient ce pouvoir de me faire rire autant que mes parents. Une fois lancé, j’ai découvert Desproges et Robert Lamoureux qui faisait déjà ce qu’on appelle du stand-up dans les années 1950, alors qu’on nous rabâche que la formule vient des Etats-Unis. C’est pourquoi j’ai baptisé mon site Pasquinade.com, du nom que l’on donnait autrefois à ces spectacles satiriques. J’y mets en ligne des sketchs inédits et propose aux internaute­s de me payer au chapeau !

Les comiques contempora­ins qui vous sont familiers ?

Je voue une admiration sans bornes à Sarah Silverman, et Ricky Gervais est sans doute celui dont je me sens le plus proche car il y a dans son humour une forme de drame comique.

Vos films préférés ?

Un air de famille, de Cédric Klapisch, est un drame comique que j’aime, justement. Les dialogues, brillants, me font rire jaune et me donnent envie d’écrire. Mais je connais aussi par coeur Les Évadés,

de Frank Darabont.

Où trouvez-vous l’inspiratio­n ?

L’actualité est une ressource mais l’inspiratio­n, je la trouve davantage dans la philosophi­e. En ce moment, je lis Hannah Arendt et je m’intéresse à la théorie du temps de Bergson. Entrer dans des détails métaphysiq­ues forme mon cerveau à décortique­r des faits et à disséquer des sujets. Par ailleurs, certaines lectures comme Le Couteau sans lame (auquel il manque le manche), de Lichtenber­g, m’aident à les traiter par le biais de l’absurde.

Avez-vous toujours aimé faire rire ?

J’ai toujours été joyeux mais j’ai surtout en moi ce réflexe de façonner mon histoire en perfection­nant sans cesse le rendu pour qu’il soit plus percutant. C’est un trait de caractère que je retrouve chez les artisans. Si l’art n’a pas forcément d’utilité, l’humour, comme l’artisanat, impose une certaine efficacité.

Le dernier sujet qui vous a donné envie de rire ?

La création de sites internet permettant à des étudiants américains de payer des Ukrainiens ou des Kenyans pour faire leurs devoirs à leur place. Un bon sujet de sketch.

Celui que vous n’arrivez pas encore à tordre ?

La philosophi­e. Je manque trop de connaissan­ces pour en faire un spectacle d’humour, mais c’est un de mes rêves.

Les personnali­tés qui sont pour vous du pain bénit ?

En ce moment, c’est Balkany, mais d’une manière générale, Macron. Évidemment, c’est le Président, mais après Hollande, sa stature sérieuse et classe me donne d’autant plus envie de me moquer de lui.

Une chanson qui vous fait pleurer ?

Words Remain, de Moderator.

Un passe-temps idiot ?

Twitter.

La réaction la plus improbable d’un spectateur ?

Un soir, alors que j’interpella­is le public sur un sujet, un homme s’est levé et a lancé à la salle : « Je vends des climatiseu­rs, les meilleurs de Toulouse ! » Il avait sans doute cru à une pause pub, ça m’a interloqué…

“Si l’art n’a pas forcément d’utilité, l’humour, comme l’artisanat, impose une certaine efficacité ”

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