LA PAGE HISTOIRE de Jean Sévillia
La défaite finale du IIIe Reich montre que la supériorité militaire allemande et l’invincibilité de la Wehrmacht étaient des illusions.
EOMn 1939, l’armée allemande écrase la Pologne, attaquée conjointement par l’Armée rouge. En 1940, ce sont les Pays-Bas, la Belgique et la France qui sont victimes de l’offensive éclair des troupes du IIIe Reich. En 1941, la Yougoslavie et la Grèce succombent à leur tour, en attendant la percée victorieuse des soldats de Hitler à travers le territoire soviétique. Invincible, la Wehrmacht ? Certains l’ont cru alors, ce qui les a confortés dans leur politique de collaboration. L’idée venait de plus loin, il est vrai, tant la légende de Frédéric II et la réputation du système militaire prussien, au XIXe siècle, avaient installé le préjugé selon lequel il existait une supériorité militaire naturelle des Allemands, qui avaient été défaits en 1918 seulement grâce à la masse de leurs adversaires. Mais il s’agit d’une illusion, comme l’expose avec brio un livre réalisé sous la direction de Jean Lopez, un des meilleurs spécialistes de la Seconde Guerre mondiale.
Saluons la réussite de ce volume par la forme – élégance de la maquette, qualité des illustrations –, mais surtout par le fond qui correspond à l’objet fixé : démythifier la Wehrmacht. L’ouvrage montre d’abord que, en Pologne, en France, dans les Balkans et en URSS, chacune des campagnes victorieuses de l’armée allemande a eu sa part d’ombre, depuis les pannes du matériel jusqu’aux crimes commis par des unités régulières qui n’étaient nullement indemnes, contrairement à ce qui a pu être soutenu, de l’idéologie nazie. Mais ce grand livre analyse surtout le défaut de la cuirasse, c’est-à-dire les traits qui conduiront la Wehrmacht à la défaite finale, que ces points faibles soient hérités de la culture militaire allemande (primat du combat de destruction, relative indifférence à la logistique et au renseignement, cécité politique) ou de la faiblesse de la pensée opérationnelle des généraux du IIIe Reich (recherche systématique de la vitesse tactique provoquant l’usure prématurée des personnels et du matériel, refus de l’approche diplomatique, ne laissant d’autre issue qu’une aléatoire victoire totale, soumission stratégique aux objectifs politiques du Führer). Victorieuse dans un premier temps, la Wehrmacht a heureusement été vaincue par les Alliés, mais aussi par elle-même, parce qu’elle partageait l’hubris de son maître Adolf Hitler. La Wehrmacht. La fin d’un mythe, de Jean Lopez (dir.), Perrin/Guerres et Histoire, 484 p., 35 €. Voir aussi la réédition de la biographie de Joukov par Jean Lopez et Lasha Otkhmezuri, Perrin, « Tempus », 926 p., 19 €.