EN VUE Akram Khan
Le célèbre danseur britannique fait ses adieux à la scène. S’il quitte les planches avec un superbe solo, « Xenos », l’artiste promet de rester chorégraphe et metteur en scène.
Ce sera donc son der- nier solo, son ultime apparition sur scène. Ainsi en a décidé Akram Khan. Avec Xenos, une pièce de sa confection qu’il incarne entièrement seul, la star britannique de 45 ans fait en ce moment ses adieux aux planches de façon magistrale. Abandonne-t-il pour autant le monde de la danse ? Fort heureusement, non. Au contraire, même : ses deux dernières créations, Xenos, donc, mais aussi Outwitting the Devil – donnée au Festival d’Avignon dans la cour d’honneur du palais des Papes –, témoignent d’une créativité bien vivace. Au fil de sa brillante carrière où il a multiplié les oeuvres marquantes, Akram Khan est devenu l’une des figures de proue de la danse contemporaine britannique puis européenne. Qu’on se rappelle son adaptation du ballet romantique Giselle où il avait remplacé les aristocrates et les paysans par des ouvriers et des migrants. Un coup d’essai et un coup de maître. Mais c’est surtout en inventant un style, mélange de danse traditionnelle indienne et de danse contemporaine occidentale, qu’Akram Khan s’est distingué. N’a-t-il pas commencé à danser le kathak indien dès son plus jeune âge ? « Mes parents étaient arrivés du Bangladesh, fuyant la guerre trois ans avant ma naissance, raconte-t-il avec le plus pur accent anglais. Par la musique et la danse, ils m’ont transmis cette culture dans laquelle je continue de m’immerger. Une manière pour eux de surmonter les horreurs qu’ils ont connues. »
De cet apprentissage d’enfance, le danseur a gardé une incroyable conscience du corps et une spiritualité forte, singulière et charnelle. « Ma maison est mon corps », répète-t-il souvent. « Si vous ne vous sentez pas bien dans votre corps, vous ne pouvez pas vous sentir chez vous dans le monde d’aujourd’hui », insiste-t-il encore depuis sa petite maison de son cher Wimbledon, dans la banlieue sud de Londres, où il y habite depuis quarante ans, avec femme et enfants, tout à côté du domicile de sa soeur et de celui de ses parents. « J’ai conservé toute la force du lien que j’ai toujours eu avec ma mère. »
COLLECTIONNEUR DE STATUES
Il se lève à l’aube pour faire, comme tout danseur, son entraînement matinal. Ces exercices intègrent une large part de réflexion et de méditation qu’il entreprend, entouré de milliers de livres. Sa bibliothèque le rassure, même si certains de ses ouvrages ont été achetés sur un coup de tête, « parce que leurs couvertures me plaisaient ». Il y a aussi, preuve de sa fascination pour la plastique des corps, son incroyable collection de statues, de toutes époques et de tous styles. Chez lui comme dans son travail, l’esthétique revêt une importance primordiale. D’ailleurs, à l’instar de la chorégraphe Pina Bausch, Akram Khan cisèle la forme et le fond de ses scénographies, qui sont un élément aussi essentiel pour ses créations que la chorégraphie. Ainsi dans Xenos la scène estelle volontairement très en pente pour signifier combien cette glissade de Terrien vers les ténèbres est forcément inexorable.
Vers quoi l’entraînera désormais la pente de la vie, s’il cesse de danser ? « Je continuerai peut-être à faire de la chorégraphie, et peut-être du cinéma ; oui, je ferai encore des apparitions sur scène mais pas seul ; oui, je suis tenté par la mise en scène… » Laissons-le méditer la suite. Il est aussi doué pour cela.