LE LIVRE LE PLUS DRÔLE DU MONDE
★★★★ LA CONJURATION DES IMBÉCILES, de John Kennedy Toole, 10/18, 533 p., 10,60 €. Traduit de l’anglais (États-Unis) par Jean-Pierre Carasso.
John Kennedy Toole, né en 1937, a écrit deux romans de son vivant : La Bible de néon, alors qu’il n’avait que 16 ans, et La Conjuration des imbéciles en 1961, à l’âge de 24 ans. Les deux ont été refusés par tous les éditeurs, aussi s’est-il suicidé en 1969. L’acharnement de sa mère et l’aide de l’écrivain Walker Percy ont permis la publication du second en 1980, suivi d’un prix Pulitzer posthume l’année suivante. Dans ce chef-d’oeuvre – seul exemple d’un écrivain américain s’inspirant de Cervantès et de Rabelais –, Ignatius Reilly, un Don Quichotte obèse à l’hygiène douteuse et à l’onanisme fréquent, obsédé par Boèce et la théorie de « la roue
de la fortune », misanthrope et hypocondriaque – son
« anneau pylorique » ne cesse de se refermer, ce qui engendre des flatulences intempestives –, vit chez sa mère alcoolique qui se détend en sortant le soir
« au bouligne ». Il doit trouver un emploi mais la tâche est compliquée : en poste aux
« Pantalons Levy », il envoie des lettres à en-tête aux distributeurs commençant par « Cher PDG et
demi-mongolien »… La description de la plus féerique des villes américaines – La Nouvelle-Orléans telle qu’elle n’existe plus – est une grâce, et à mesure que « l’anneau
pylorique » se ferme et se rouvre, Ignatius continue d’insulter le monde entier (« Ces enfants
devraient être gazés », dit-il, rivé devant sa télé en voyant une pub pour Clearasil…). C’est une merveille sudiste à la fantaisie délirante. Ceux qui l’ont lue dans les années 1980 retrouveront leur joie intacte dans cette édition de poche, les autresdécouvriront le livre le plus drôle de la littérature américaine. Attention aux AVC…