À TU ET À TOI
Qu’on est bien entre gens du même monde !
Le 20 novembre 1964, première apparition de Michel Drucker à la télévision. Il n’en bougera plus. En un peu plus de cinquante ans, il n’a pas tellement changé : mignonnet, sage et pommadé. On a toujours l’impression qu’il attend un coup de fil de sa mère à la fin de l’émission ; alors, il ne moufte pas. Certes, le temps a passé : Drucker présentait ses émissions debout ; il est maintenant assis, un peu voûté, ralenti. Il mettait une cravate ; il a aujourd’hui le col ouvert, ce qui le vieillit : les plis du cou trahissent l’âge. Parfois, on dirait qu’il en a un peu marre : passer de Lino Ventura à Kev Adams, de Romy Schneider à Alice Taglioni, et d’Edwige Feuillère à Laura Laune, évidemment, il faut s’accrocher. Son nouveau truc, c’est le tutoiement : depuis quelques années, Drucker est à tu et à toi avec tout le monde. Pas de chichi, c’est à la bonne franquette, on est entre nous. Jadis, on considérait qu’un animateur devait rester à égale distance de ses invités et du public ; d’où le vouvoiement.
Thierry Ardisson – dont on se rappelle peut-être le raffinement et l’esprit – est passé par là, tapant sur le ventre de tout le monde. Tic que lui a repris Drucker : tutoyer Michaël Youn ou Élodie Poux, quel pied ! quel élixir !
En fait, c’est un double manque d’égards : un pelotage de celui qu’on tutoie, une condescendance vis-à-vis des téléspectateurs à qui on signifie que, décidément, ils ne sont pas du même monde que ceux qui se pavanent sous les lumières. Et qui s’adorent.