LECTURE / POLÉMIQUE Aux sources du communautarisme
Dans un livre à quatre mains, Sami Biasoni retrace les origines des idéologies qui minent notre pacte républicain et Anne-Sophie Nogaret en décrit la progression dans toutes les strates de la société.
Le 31 décembre, lors de ses voeux aux Français, Emmanuel Macron a fait de la lutte contre le communautarisme l’un des « grands enjeux » de 2020. Il devrait dévoiler son plan début février. Mais de quoi parle-t-on exactement ? La réponse est dans l’essai coécrit par Sami Biasoni et Anne-Sophie Nogaret. Le premier, chargé de cours à l’Essec et doctorant en philosophie à l’École normale supérieure, livre une analyse historique des deux principaux courants de pensée qui alimentent le phénomène : le décolonialisme et l’indigénisme. La seconde, professeur de philosophie et journaliste, rapporte les témoignages de ceux qui y sont confrontés sur le terrain, dans l’enseignement bien sûr, mais aussi dans l’exercice de la justice, dans les structures sociales ou à l’hôpital. Ce qui est à l’oeuvre, selon Pascal Bruckner, préfacier de leur essai, n’est rien de moins qu’une « dissolution de notre contrat social par des idéologies factieuses ». Des idéologies au départ bien de chez nous, puisqu’elles s’appuient sur des concepts développés par Pierre Bourdieu, Michel Foucault, Gilles Deleuze, Jacques Derrida, pour ne citer que les plus connus. Importées aux États-Unis, elles ont contribué à créer ce qu’on appelle là-bas la « French Theory ». Et si, comme le dit joliment le philosophe Philippe Raynaud, « la “French Theory” est à la pensée française ce que la pizza “à l’italienne” est à la pizza », ce remake à la mode américaine fait depuis quelques années un triomphe chez nous.
L’offensive des indigénistes, décolonialistes et autres racialistes vise à imposer une grille de lecture « dominants-dominés »sur toutes les activités humaines en société, de la plus anodine à la plus lourde de conséquences, de l’achat « forcé » de pansements de couleur adaptée aux seuls Blancs, aux agressions sexuelles commises par des personnes « racisées », donc soumises à une violence qui relativiserait la leur. Ce substrat idéologique constitue à la fois un terreau et un vecteur de l’islamisme, qu’il légitime, comme le démontre Sami Biasoni.
Les témoignages recueillis par Anne-Sophie Nogaret étayent ce travail historique et sociologique. C’est un huissier de justice en Île-de-France repoussé par un débiteur d’origine africaine qui lui lance : « L’époque des colonies, c’est fini ! »
Ou encore une prof de lycée, en Seine-Saint Denis, qui découvre que l’administration de son établissement a « édulcoré » un courrier du ministère de l’Éducation nationale demandant l’organisation d’un dialogue après l’assassinat d’Arnaud Beltrame : il y était question d’« obscurantisme ». On aurait pu y ajouter les récentes protestations de la Ligue de l’enseignement contre l’approche « trop interdictive » de la laïcité au sein du service national universel, qui serait « stigmatisante ». La « décomposition nationale » décrite par les auteurs va bon train.
Français malgré eux.
Racialistes, décolonialistes, indigénistes : ceux qui veulent déconstruire la France, L’Artilleur, 356 p., 20 €.
En librairie le 5 février.