LA PAGE HISTOIRE
Une rigoureuse biographie de Saint-Just affine notre connaissance du personnage. Elle ne le rend pas plus sympathique pour autant.
de Jean Sévillia
La dernière biographie de Saint-Just avait été publiée il y a trente-cinq ans. C’est pourquoi Antoine Boulant, un historien qui a donné, il y a peu, une solide étude sur Le Tribunal révolutionnaire (Perrin, 2018), a entrepris de revisiter le personnage en revenant aux sources. Voici donc, à frais nouveaux, un portrait de celui qui a gagné le charmant surnom d’« Archange de la Terreur ». Parfait roturier en dépit de sa particule, Louis Antoine de Saint-Just grandit dans un milieu de paysannerie aisée, représentatif de la fin de l’Ancien Régime. Il fait ses études chez les Oratoriens, à Soissons, et son droit, à Reims, où il s’imprègne des idées nouvelles (on est en 17871788). En 1789, il s’engage dans la Garde nationale puis participe à la fête de la Fédération en 1790. Ayant échoué à se faire élire à la Législative, il parvient, en 1792, soutenu par sa réputation de théoricien politique – il écrit beaucoup – et de défenseur des paysans, à se faire envoyer par les électeurs du Soissonnais à la Convention. Il en est le benjamin, mais déploie un zèle infatigable. Avant le procès de Louis XVI, il annonce d’emblée l’esprit d’équité avec lequel le roi sera jugé : « On ne peut point régner innocemment. Tout roi est un rebelle et un usurpateur. » Adversaire des Girondins, ce Montagnard fanatique entre au Comité de salut public, organisme doté d’un pouvoir littéralement absolu, d’une nature prétotalitaire sans précédent historique. Envoyé en mission à l’armée du Rhin puis à l’armée du Nord, en 1793-1794, il rétablit la discipline et fouette les énergies. Antoine Boulant assure qu’il fut moins implacable qu’un Fouché ou un Carrier, mais reconnaît qu’il fut sans états d’âme pour inventer des charges invraisemblables contre ceux qu’il accusait de royalisme ou de fédéralisme, catégorie qui pouvait inclure Danton, Camille Desmoulins ou les Vendéens insurgés contre la République. Le 10 thermidor, emporté par la chute de Robespierre, Saint-Just meurt sur l’échafaud, à 26 ans. Le livre refermé, on en sait plus sur lui, grâce à la rigueur de l’auteur. On ne parvient pas, cependant, à éprouver la moindre empathie pour celui qui voulait faire du bonheur « une idée neuve en Europe », sauf pour ceux qui ne pensaient pas comme lui.
Saint-Just. L’Archange de la Révolution, d’Antoine Boulant, Passés Composés, 350 p., 22 €.