Le Figaro Magazine

POLÉMIQUE

Chaque année, le rapport d’Oxfam dénonce la montée des inégalités dans le monde. Mais la méthodolog­ie adoptée par cette ONG militante est loin de faire l’unanimité.

- Ghislain de Montalembe­rt

Oxfam a encore frappé ! Chaque année, l’ONG que dirige l’ancienne ministre Cécile Duflot (ex-patronne d’Europe Écologie Les Verts) produit son rapport sur les inégalités dans le monde ; et celui-ci, sans apporter réellement de nouveautés, fait pourtant l’effet d’une bombe médiatique. Certes, on peut trouver scandaleux que les 1 % les plus riches de la planète détiennent deux fois plus de richesses que 90 % de la population mondiale ; ou qu’en France, 7 milliardai­res possèdent plus que les 30 % les plus pauvres, comme le révèle Oxfam, qui appelle de ses voeux une plus forte redistribu­tion des revenus (mais la France est déjà championne en la matière avec un taux de prélèvemen­ts obligatoir­es record !)… voire la remise en cause pure et simple du modèle capitalist­e au nom de la lutte contre les inégalités. « Si vous ou moi avions économisé chaque jour 8 000 euros depuis la Révolution française, nous serions à la tête de 1 % de la fortune de Bernard Arnault », a lancé Cécile Duflot au micro de France Inter. De quoi raviver pour toujours la colère des « gilets jaunes » ! Oxfam, dont l’ex-porte-parole pour la France, Manon Aubry, est aujourd’hui tête de liste de La France insoumise aux européenne­s, est experte dans l’art de la provocatio­n ; tout comme dans celui des tours de passe-passe statistiqu­es !

La méthodolog­ie très contestée de cette organisati­on tient compte du patrimoine net des individus : le total de leurs biens se trouve ainsi diminué du montant de leurs dettes, ce qui conduit par exemple à faire figurer parmi les plus pauvres, au même rang qu’un paysan indien ou africain, un étudiant d’Harvard qui se serait lourdement endetté pour payer ses études. Une première absurdité. La seconde est qu’avec ce système, les 10 % les plus pauvres de la planète détiennent une « fortune » cumulée négative de moins 750 milliards de dollars, ce décile incluant des personnes qui ont plus de dettes que d’actifs. « Le second et le troisième déciles cumulent une richesse d’environ 500 milliards de dollars. La “fortune” cumulée des 30 % des individus de la planète les plus pauvres est donc statistiqu­ement inférieure à zéro », explique Laurent Pahpy *, analyste pour l’Institut de recherches économique­s et fiscales (IREF). Avec l’approche Oxfam, vous pouvez clamer haut et fort que si vous offrez 10 euros d’argent de poche à un enfant de 7 ans, sa “fortune” sera supérieure à la fortune cumulée d’un peu plus de 2 milliards de personnes. »

« La question est de savoir si la pauvreté recule, plutôt que d’invectiver les plus riches », estime Jean-Philippe Delsol dans Éloge de l’inégalité (Manitoba, 2019), un essai dans lequel l’avocat fiscaliste, président de l’Iref, s’insurge contre « cette doxa contempora­ine qui voudrait que l’égalité soit la mesure de toute chose ». Et là, surprise : bien des chiffres démontrent que la pauvreté a plutôt tendance à décroître qu’à augmenter dans le monde, le développem­ent économique générant des effets bénéfiques inestimabl­es via la baisse de la mortalité infantile et de l’analphabét­isme, ou encore la hausse de l’espérance de vie moyenne, passée dans le monde de 66 à 72 ans depuis 2000… Si 2,2 milliards d’êtres humains vivaient dans l’extrême misère en 1970, avec un revenu inférieur à 1,90 dollar par jour, ils ne sont « plus que » 700 millions, selon un rapport de la Banque mondiale. « Contrairem­ent à une idée répandue, les inégalités dans le monde sont en recul constant et, bien souvent, les inégalités au sein de la population d’un même pays refluent depuis 2008 »,

observent ses auteurs. « Une autre question fondamenta­le est de savoir si la pauvreté aurait autant reculé, ou moins ou plus, si les plus riches s’étaient moins enrichis sur la même période », reprend Jean-Philippe Delsol, convaincu que « la liberté favorise la croissance de l’économie et l’enrichisse­ment de tous ». Un point de vue que ne partage sans doute pas tout à fait Oxfam.

* Slate, 30 janvier 2019.

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