de Guillaume Roquette
L’homme occidental serait-il un grand enfant ? En tout cas, il adore se faire peur ces temps-ci. Et pas seulement avec le coronavirus, dont tout indique pourtant qu’il ne sera guère plus dévastateur que ne le furent en leur temps le sras ou la grippe H1N1. Pour un nombre croissant de nos contemporains, l’épidémie partie de Chine ne serait qu’une aimable plaisanterie à côté de ce qui nous attend, et qui n’est rien de moins que l’effondrement du monde ! Jamais en retard d’un néologisme, les sociologues ont baptisé cette croyance la « collapsologie » et mesurent avec gourmandise sa diffusion dans la population. Elle séduit surtout les jeunes mais frappe, à des degrés divers, tous les pays développés. Selon une enquête parue cette semaine, 35 % des Français, 29 % des Italiens et 19 % des Américains sont ainsi convaincus que notre civilisation va s’effondrer d’ici à vingt ans.
Cette sinistrose fait évidemment les affaires de l’amicale des catastrophistes qui nous prédit le pire tous les matins. Entre néomalthusiens, écologistes intégraux et anticapitalistes radicaux, les prophètes de malheur dignes de Philippulus dans Tintin ne manquent pas. Certains joignent même le geste à la parole comme l’ancien député Vert Yves Cochet qui, entre deux livres apocalyptiques (le dernier s’appelle Devant l’effondrement. Essai de collapsologie), s’est réfugié dans sa maison de Bretagne avec puits, calèche et chauffage au bois.
La perspective d’un effondrement de notre civilisation est suffisamment vague pour agglomérer les inquiétudes de toutes sortes et il est vrai qu’entre le réchauffement climatique, l’immigration incontrôlée et les tensions croissantes au sein de nos sociétés, l’époque ne manque pas de sujets de préoccupation. Mais on peut quand même être surpris du caractère radical et absolu de ce pessimisme qui ne repose pas forcément sur des éléments tangibles (à moins évidemment de considérer comme telles les prédictions effrayantes de la jeune Greta Thunberg). Sans vouloir jouer les optimistes béats, rappelons tout de même que toutes les grandes peurs qui ont étreint l’humanité depuis un demi-siècle, qu’elles soient physiques (manque d’eau, incapacité de la terre à nourrir plus de 5 milliards d’habitants, pénurie de pétrole…) ou politiques (submersion communiste, guerre nucléaire…) se sont jusqu’à présent révélées sans fondement. Certes, tout n’est pas rose et «à long terme nous serons tous morts », comme le rappelait facétieusement Keynes, mais il y a quand même une forme de facilité à se résigner à la fin de notre monde. Entendons-nous bien, les temps ne sont pas idylliques et exigent des changements énergiques. Il faut, en vrac, revoir nos façons de produire et de consommer, réduire drastiquement l’immigration, nous montrer plus fermes dans le respect des règles qui organisent notre société… Mais il n’y a rien d’irrémédiable. Laissons le dernier mot à de Gaulle : « Il n’y a qu’une fatalité. Celle des peuples qui n’ont pas assez de force pour se tenir debout et qui se couchent pour mourir. »