Paul Pairet
Nouveau juré de l’émission « Top Chef », diffusée à partir du 19 février, le mercredi soir, sur M6, Paul Pairet fait partie de ces cuisiniers français peu connus qui réussissent de façon exemplaire à l’étranger. À Shanghaï, parmi ses trois restaurants, l’Ultraviolet, 3 étoiles au Michelin, figure parmi les 50 meilleurs établissements au monde. À chaque service, dix convives vivent une expérience multisensorielle atypique. Rencontre avec un créatif que son franc-parler et son naturel rendent immédiatement sympathique.
Rejoindre le jury de « Top Chef » a-t-il été, pour vous, une évidence ?
C’est une émission très professionnelle et très sympa. Tout s’est passé naturellement et d’autant plus facilement que j’avais libéré du temps pour un projet en France qui n’a finalement pas abouti.
Une occasion, aussi, de vous faire connaître davantage…
Personne ne me connaît ici, l’émission va m’apporter un peu de visibilité, c’est vrai ! Mais Shanghaï est une ville très ouverte à l’international et être connu comme je le suis déjà me suffit... Je ne l’imaginais même pas.
De quoi êtes-vous le plus fier ?
Je suis fier d’avoir obtenu trois étoiles avec le restaurant le plus iconoclaste de la galaxie Michelin.
Vous aimez bousculer les codes : jusqu’où ?
J’aime la liberté absolue d’une cuisine d’auteur et, d’un autre côté, j’aime sortir des plats de tradition, comme on le fait au Pollux, un petit café à la française. Vous savez, c’est très dur de cuisiner une très bonne omelette ou un excellent steack-frites, sur lesquels tout le monde a une opinion.
Quelle qualité vous a aidé à réussir ?
La ténacité au sens catalan du terme : « cap de burro », un peu têtu !
Quel personnage historique auriez-vous aimé être ?
Charles Darwin. Plus jeune, je voulais être paléontologue.
Un plat d’enfance ?
Les poivrons à la catalane de ma grand-mère, de ma mère…
Qu’est-ce que le Perpignanais de Shanghaï a conservé de catalan ?
Jeune, j’avais presque honte d’être catalan sans savoir pourquoi. Aujourd’hui, j’en suis fier, j’aime cette région, sa cuisine, même si elle ne fait pas toujours dans la subtilité avec ses acidités vives, comme le vinaigre de Banuyls, ses saveurs marquées...
Quel plat auriez-vous voulu créer ?
Le chou au foie gras de Senderens.
Ça vous surprend que les chefs français n’aient plus le monopole de l’excellence ?
La France reste l’un des pays qui a la plus grosse tradition culinaire gastronomique. Les chefs de file de la gastronomie de demain incarneront la cuisine de création de leur pays, capable de dépasser les frontières, d’influencer les autres comme le fait René Redzepi. L’important est de ne pas se perdre et de réussir à mettre son identité dans l’assiette.
Qu’y mettez-vous de vous ?
Je me concentre sur l’essentiel.
Le Michelin a enlevé une étoile au restaurant Bocuse. Votre avis ?
Je n’aurais sûrement pas fait ce métier sans Paul Bocuse. C’est lui qui a fait entrer les chefs dans la lumière, qui a valorisé leur statut. Les décisions du Michelin se respectent, mais les choses auraient pu se faire différemment. La maison était très bien tenue. Peut-être qu’après cinquante ans de 3 étoiles, on devrait pouvoir accéder au statut de patrimoine de la gastronomie française, et ne plus être soumis à un jugement qui, à ce niveau-là, devient presque scolaire.
Quel regard l’expatrié porte sur le climat actuel qui règne en France ?
Il y a des réalités qui expliquent ce climat difficile, mais quelle morosité ! Peut-être sommes-nous dans une période de décadence…
Une qualité à envier aux Chinois ?
La curiosité et, à Shanghaï, un dynamisme porté par une prospérité économique qui multiplie les possibilités.
Un rêve ?
J’ai la chance rare d’avoir réalisé mon rêve avec Ultraviolet. Je vais consolider ce qui existe pour ceux qui m’entourent. Et j’ouvrirai peut-être un jour un café, genre PMU, à Paris !