Le Figaro Magazine

Golshifteh Farahani

Lumineuse en psy dans « Un divan à Tunis », l’actrice iranienne l’est autant dans la vie, qu’elle mène et commente sans se soucier du regard extérieur.

- Clara Géliot

Avec son nom et son physique de princesse orientale, son destin d’exilée de Téhéran et sa carrière d’actrice internatio­nale, Golshifteh Farahani, classée parmi les 15 personnali­tés les plus suivies sur Instagram en France (7,5 millions d’abonnés), a tous les atouts de l’icône moderne. Quelques semaines après avoir publiqueme­nt dénoncé le « massacre de centaines de personnes » au cours d’un mouvement de contestati­on en Iran, elle apparaît en haut de l’affiche d’Un divan à Tunis, une comédie sociale de Manele Labidi, où elle campe, avec une fraîcheur renversant­e, une jeune psy décidée à faire fi des convention­s pour installer son cabinet sur un toit de cette capitale du Maghreb. Autant de positions engagées qui promettent, avec cette femme peu ordinaire, des échanges passionnés. Mais la rencontre, dans une petite chambre de l’hôtel Roch, à Paris, nous mène de surprise en surprise. Au premier coup d’oeil, le naturel de cette fille de 36 ans surprend. Quand les actrices en promotion ont l’habitude d’être pomponnées par des profession­nels et habillées par des grands couturiers, Golshifteh Farahani, elle, cache ses yeux de biche derrière quelques mèches grisonnant­es et sa silhouette élancée sous un large pull. Un bon gros hug affectueux et spontané donne le ton que prendra la conversati­on. Elle s’engage sur les raisons qui l’ont poussée à accepter ce film… Féministe ? « Je n’incarne quand même pas Anna Karénine ! Plus que l’émancipati­on d’une femme, j’ai été séduite par cette histoire parce qu’elle me faisait rire : les situations dans lesquelles se retrouve Selma, sa vieille Peugeot abominable, ses voisins qui “ragotent”, les filles du salon de coiffure qui papotent… tout cela est très drôle. En me plongeant dans le scénario, j’ai eu l’impression d’arriver dans une fête où je voulais rester. »

En 2015, c’est son compagnon d’alors, Louis Garrel, qui dévoile son talent pour la comédie en la dirigeant dans Les Deux Amis. Alain Chabat prend le relais deux ans après en l’emmenant dans un registre moins naturalist­e avec Santa & Cie. Mais Golshifteh Farahani tient à rendre à César ce qui lui appartient : « C’est Ridley Scott, le premier, qui m’a dit que j’étais faite pour la comédie ! » En 2007, le cinéaste américain tourne alors l’exaltant Mensonges d’État avec Leonardo DiCaprio et Russell Crowe. Ce film marque le début de la carrière internatio­nale de l’actrice et la fin de sa vie en Iran dont elle fuit le régime autoritair­e. Dès lors, la belle exilée se construit un CV entre blockbuste­rs et films d’auteur. On se souvient du subtil À propos d’Elly,

d’Asghar Farhadi, du savoureux et tendre Poulet aux prunes, de Marjane Satrapi, du férocement drôle My Sweet Pepper Land, de Hiner Saleem, mais aussi des rôles qu’elle tenait récemment dans le cinquième volet de Pirates des Caraïbes ou dans Les Filles du soleil, d’Eva Husson. « Après avoir brûlé le bois de mes ancêtres, je ne ressens plus le besoin de me jeter sur les films politiques et tragiques et je ne veux pas être cantonnée à un genre de cinéma. »

Comme si, en quittant le nid de Téhéran, l’oiseau avait décidé de ne plus jamais se laisser enfermer. Des hommes amoureux en ont fait les frais et des villes l’ont vue filer. Après neuf ans à Paris, elle est désormais attirée par les terres d’exilés que sont Bali, Goa, Alto Paraíso, et vit entre Porto et Ibiza, où elle a entrepris de se construire une maison. Mais après trois ans de travaux, elle ne rêve que de fermer la porte à clé pour repartir voyager. On l’aura compris, la demoiselle est insaisissa­ble. « Je ne me suis jamais vue comme un étendard. Ma fuite de l’Iran, mes photos de nu dans Égoïste n’ont pas été calculées pour un symbole de résistance et de liberté. Je le suis devenue malgré moi. D’ailleurs, je ne fais pas de hashtag, je SUIS le hashtag. Et je me sens parfois tellement extérieure à cette image de femme forte que j’en arrive à me dire que moi aussi j’aimerais avoir l’audace de cette Golshifteh Farahani ! »

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« Un divan à Tunis », de Manele Labidi (déjà en salles).

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