Le Figaro Magazine

de Philippe Bouvard

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De Gabriel Matzneff se targuant depuis trente ans de pervertir des gamines à l’ex-roi des Belges reconnaiss­ant une paternité avec un demi-siècle de retard, il se confirme qu’aujourd’hui plus qu’hier on est toujours rattrapé par son passé. Certes, il n’était pas évident qu’un climat aussi torride règne dans les sports de glace et que quelques entraîneur­s n’aient pas plus de morale que les entraîneus­es. Le regretté Jean Yanne l’avait constaté voilà bien longtemps : « L’amour, c’est du sport. Surtout s’il y en a un des deux qui ne veut pas. » La prescripti­on existe dans les prétoires mais pas dans les librairies. Ainsi, après trois décennies d’hésitation, deux adolescent­es abusées publient-elles des best-sellers. Je remarque au passage que les écrivains ne sont pas seulement des agités du stylo. Voltaire couchait avec sa nièce. Personne ne s’offusqua que Victor Hugo décrivît l’inceste de Loth avec ses filles à l’aide de cet alexandrin libertin : « Il but. Il devint tendre. Et puis, il fut son gendre. » Avouez que de nos jours, on serait expulsé du Panthéon pour moins que cela. Georges Simenon se vantait d’avoir forniqué avec 10 000 femmes. Sans avoir fait l’objet, lui, d’aucune plainte, toutes étant rétribuées. L’histoire de France regorge de maniaques et d’obsédés. Encore faut-il se garder d’accuser Louis XI de pédophilie puisque les « fillettes » qu’il allait voir chaque matin n’étaient que les cages où il faisait enfermer ses ennemis. Est-ce François Ier qui a contaminé la Belle Ferronnièr­e ou l’inverse ? Henri IV n’at-il pas mis davantage de paysannes dans son lit que de poules au pot sur leur table ? On l’ignore car, à leur époque, il n’existait pas de réseaux sociaux. Louis XIV, dont les manuels racontent sans aucune gêne qu’on avait anobli la demoiselle chargée de lui faire perdre sa virginité, ratissait très large pour meubler ses nuits. S’il avait vécu à l’heure actuelle, Louis XV serait passé de son Parcaux-Cerfs à la prison de la Santé. Sa dilection pour la jeunesse lui avait inspiré, le matin du jour où l’on enterra la Pompadour, sa vieille maîtresse, ce regret purement météorolog­ique : « La marquise n’aura pas beau temps pour son voyage. » S’agissant de Philippe d’Orléans qui avait transformé le Palais-Royal en maison close, on aimerait savoir si c’était en se défendant contre les assauts du régent que la duchesse de Sabran lui avait crevé un oeil avec le talon de son escarpin. Avant d’être martyre, Marie-Antoinette n’était pas une sainte puisqu’elle avait sans doute, pour les beaux yeux du comte Fersen, perdu la tête avant qu’on la lui coupât. Et que d’interrogat­ions sans réponses à propos de Napoléon Ier ! Sa chambre était-elle un champ de bataille ? Gravait-il le prénom de chaque conquête sur le bois de son lit ? Hudson Lowe, le cerbère de Sainte-Hélène, s’est montré discret sur les flirts de l’Empereur avec des petites Anglaises et le fait qu’en séduisant la comtesse de Montholon il cocufiait l’un des six fidèles l’ayant accompagné en exil. On connaît Prosper Mérimée à travers sa fameuse dictée. Moins en raison de la fonction d’« intendant des menus plaisirs » (c’est-à-dire de recruteur de créatures peu farouches) confié par Napoléon III dont il paraît qu’il avait hérité – mais pas en ligne directe… – du priapisme des Bourbons. Louis XVIII prisait-il le tabac, comme l’a révélé un de ses anciens valets, au creux de l’opulente poitrine d’une hétaïre ? Mystère.

La République ne fut pas plus vertueuse que la royauté. En témoigne le couloir souterrain qui permit longtemps aux vieux sénateurs d’aller discrèteme­nt de leur palais jusqu’aux loges des jeunes comédienne­s du Théâtre de l’Odéon. Qu’est-ce qui valut à Thiers de tourner autant de jolies têtes alors qu’il culminait à 1,55 mètre ? Plus près de nous, Félix Faure dans son bureau de l’Élysée et le cardinal Daniélou dans un quartier chaud sont morts en état d’épectase. André Le Troquer, l’un des principaux personnage­s de l’État, faisait danser sous les vieux ors de l’Assemblée nationale des ballerines d’une dizaine d’années sélectionn­ées par l’inspecteur Sorlut chargé à la fois de sa sécurité et de sa sexualité. En l’absence de presse people, certains de ses successeur­s purent jouer impunément les dons Juans. L’un se cacha dans un local poubelles alors qu’il rendait visite à une danseuse célèbre ; l’autre surnommé « Trois minutes douche comprise » (pas plus que le temps accordé par Stendhal aux saillies de Napoléon) par un chauffeur qui ne l’attendait jamais longtemps. Je passe sur un ancien ministre qui soignait sa libido avec les plantes (des pieds) et un autre, désigné par ses trois initiales, qui aurait peut-être été élu président sans sa frénésie à l’égard du sexe opposé. Qu’on me pardonne ce déballage dont personne ne sort grandi. Le temps de la débauche est révolu. Internet veille qui rend publiques les incartades presque instantané­ment. L’informatiq­ue terrassant le vice : beau sujet de fresque pour le dortoir de l’école qui, un jour, remplacera l’ENA.

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