DERNIER TANGO À BUENOS AIRES
TOUT POUR LA PATRIE, de Martín Caparrós, Buchet/Chastel, 336 p., 21 €. Traduit de l’espagnol (Argentine) par Aline Valesco.
Rien ne va plus à Buenos Aires. Nous sommes en 1933 et la crise économique bat son plein. De l’autre côté de l’Atlantique, Hitler est arrivé au pouvoir. Son régime ainsi que celui de Mussolini ont leurs adeptes en Argentine. Même le ballon ne tourne pas rond. Bernabé Ferreyra (1909-1972), buteur de River Plate et personnalité la plus populaire du pays, a disparu. Andrés Rivarola, dilettante et homme sans qualités (il sera donc journaliste), est chargé par le dealer de cocaïne du joueur de partir à sa recherche… Martín Caparrós, dont on a notamment pu lire l’excellent À qui de droit, nous offre avec Tout pour la patrie autant le portrait d’une ville (Gran Café Tortoni, bidonvilles naissants, le nouveau port…) que d’une époque. Une boisson nommée Coca-Cola apparaît, le football se professionnalise et quelques affairistes ont compris les profits qu’ils en tireront. Rivarola se frottera à quelques-uns de ces margoulins pendant que la belle Rachel, dite « la Russe », fera tourner la tête à ce garçon déplorant que le tango soit désormais transformé « en tarte à la crème, en flonflon sirupeux, en opium pour le peuple ». Mêlant histoire d’amour, intrigue policière et arrière-plan politique, ce roman fourmille de trouvailles. De la description de la rédaction d’un journal à la vision d’un Borges suivi comme une ombre par un certain Adolfo Bioy Casares, c’est drôle, insolent, cruel.