Le Figaro Magazine

MAMIE BLUES

LES MAGNOLIAS, de Florent Oiseau, Allary éditions, 220 p. 17,90 €.

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Avec deux premiers romans très réussis, Je vais m’y

mettre et Paris-Venise,

Florent Oiseau a su imposer un ton tragi-comique rare en France, porté par des héros ratés, naïfs, attachants. Aujourd’hui, le jeune écrivain – il n’a que 29 ans – remet le couvert.

Alain, quadragéna­ire, est un acteur minable : il a joué une fois le rôle d’un cadavre et s’apprête à interpréte­r durant quelques secondes un pédophile pour un téléfilm qui « devrait passer sur

TV Tours Val de Loire » (« T’as un don pour jouer le con, lui dit un

acteur. Souvent, dans ces rôles, les mecs forcent le trait. Toi t’es plein de justesse. On sent que

c’est naturel »). Alain héberge son « agent », avec qui il avale des

« sandwichs flageolets-beurre ». Mais dès qu’il le peut, il met le contact de sa Fuego 1984 pour aller voir sa grand-mère adorée dans un Ehpad au nom typique de ce genre d’établissem­ent,

Les Magnolias. Mamie est sourde et perd la boule. Lorsqu’elle est lucide, elle aimerait mourir. Ils communique­nt en se prenant les mains. Ces pages, au cours desquelles l’auteur décrit la tristesse de ces lieux où tant de vies s’achèvent, comme celles où il explique l’amour infini qu’il voue à sa grand-mère malgré les révélation­s inattendue­s d’un oncle dépressif, sont d’une délicatess­e extraordin­aire.

Puis le petit-fils rentre chez lui retrouver sa terne existence (« Mon frigo était tellement vieux qu’il devait même exister

avant le froid »), et les situations comiques suivent : comme dans un bon film d’Ettore Scola, le drame est allégé par la farce. Rien ne pèse, rien n’est lourd. C’est un art. Florent Oiseau le maîtrise comme peu d’auteurs de sa génération.

Il faut le suivre de près.

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