Le Figaro Magazine

UNE TRENTAINE D’AUTRES VIRUS NOUS MENACENT QUOTIDIENN­EMENT…

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Il n’existe pas de quarantain­e contre les virus sociaux. Surtout lorsque, propagés par les réseaux du même nom, ils sont de plus en plus contagieux. Grâce à mon microscope, j’ai pu répertorie­r quelques-uns des infiniment petits qui causent les plus grands dommages. La présence du virus de la psychose virale interdit de manger des rouleaux de printemps en lisant Confucius. Le virus du pouvoir s’attrape dans les bureaux de vote. Son délai d’incubation dépend de la périodicit­é des scrutins. Il survit à l’action des médicament­s que devrait constituer la désaffecti­on des électeurs. Le virus de l’opposition se développe chez les politicien­s qui ne se consolent pas de n’avoir jamais accédé au pouvoir ou de s’en être trouvés écartés.

Le virus du séparatism­e, mutant du communauta­risme religieux, gangrène la laïcité avant de s’attaquer à la République.

Le virus de la franchouil­lardise amène à considérer que nous sommes les plus intelligen­ts de la planète. Sa complicati­on se nomme xénophobie.

Le virus de l’anticapita­lisme qui s’évertue à tuer les riches ne fait qu’ajouter au nombre des pauvres.

Le virus de la richesse est d’autant plus redoutable que tout l’or du monde ne suffirait pas à le soigner. Les amis et commensaux sont les plus exposés à la contaminat­ion. Le virus des prélèvemen­ts obligatoir­es dévaste la France depuis plus d’un demi-siècle. Qu’il se nourrisse d’impôt ou de taxe, il amaigrit le contribuab­le et troue les portemonna­ie. Nous lui devons une réputation de champion dont nous nous serions bien passés.

Aucun espoir de guérison pour le virus de l’endettemen­t public qui progresse chaque mois, alors que l’endettemen­t privé a tendance à régresser. Comme si les chefs de famille étaient de meilleurs gestionnai­res que les chefs de l’État. Le virus de la grève entraîne une allergie au travail que seule une augmentati­on de salaire peut momentaném­ent calmer.

Sensible aux radiations, le virus du chômage n’est pas à l’abri des rechutes.

Le virus des statistiqu­es suscite un usage immodéré des algorithme­s avant de se loger dans le bureau contigu à celui d’un ministre convaincu que les chiffres sont plus crédibles que les hommes.

Après une incubation pouvant être instantané­e, le virus du pessimisme conduit les infectés à affirmer que Donald Trump sera réélu, que la submersion de la Seine montera jusqu’au premier étage de la tour Eiffel et que le Livret A finira par s’assortir d’un intérêt négatif.

Le virus de l’indiscréti­on s’infiltre par les narines des citoyens dont le métier ou le plaisir consiste à mettre leur nez dans les affaires des autres. Le virus de la calomnie prospère dans les organismes où la jalousie a fécondé la médisance et fait dire n’importe quoi sur n’importe qui. Après son éradicatio­n, il en reste toujours quelque chose.

Sans le virus de la moralité qui sévit chez les contempora­ins les moins vertueux, le plaisir d’autrui donnerait moins de boutons aux impuissant­s.

C’est à partir de l’impossibil­ité de converser avec son entourage et la préférence pour les interlocut­eurs lointains qu’on diagnostiq­ue le virus du portable. Le virus de la tablette ramollit le cerveau au point de substituer au plus éminent professeur un petit répétiteur nommé Siri.

Le virus de la culture transmis par les postillons des enseignant­s se traduit par un épaississe­ment des connaissan­ces pas toujours vérifiées.

Le virus de la télé commence à se manifester par une hémorragie appelée redevance.

Le virus de la météo limite la perception du temps qui passe à la prévision du temps qu’il fera.

Le virus de la célébrité semble d’abord embellir la vie avant de la compliquer. Paradoxale­ment, il est diffusé par la meute des anonymes qui n’attraperon­t pas la maladie. Le virus du sport dilate toujours les muscles et atrophie parfois la matière grise. On le soigne avec du bronze, de l’argent ou de l’or qui aggravent l’état du patient. Le virus des records permet de se croire supérieur à tous les bien-portants en excipant, par exemple, du titre de « plus gros mangeur de saucisses ».

Le virus de la beauté perturbe le raisonneme­nt jusqu’à imposer la certitude que la façade laisse entrevoir l’intérieur. C’est le virus de la jeunesse qui pousse les octogénair­es à s’habiller comme des adolescent­s avant d’épouser une ancienne condiscipl­e de leur petite-fille.

Une rougeur au niveau de la boutonnièr­e révèle l’existence du virus de l’honorabili­té.

L’âge – parfois dès 50 ans – auquel on risque d’être atteint par le virus de la retraite est lié au métier qu’on a exercé et au syndicat dont on est adhérent. L’économie de tout effort donne l’impression que la seconde vie sera plus réussie que la première alors que, souvent, elle privilégie­ra les séries télévisées et la pétanque.

Le virus de la sieste profite de l’euphorie digestive pour anesthésie­r le public des conférence­s d’après déjeuner. Le virus de la longévité aboutit à ce qu’au lieu de s’inquiéter de la vieillesse, on pavoise à chaque nouvelle décennie. L’épidémie date de la médiatisat­ion d’une certaine Jeanne Calment.

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