Le Figaro Magazine

APRÈS LA MORT DU GRAND HOMME

Dans « De Gaulle et les femmes », la journalist­e Christine Kerdellant décrit la place essentiell­e tenue par son épouse, jusqu’après son décès. Extrait.

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Quand son mari meurt sous ses yeux, le 9 novembre 1970, victime d’un anévrisme de l’aorte abdominale en faisant ses réussites quotidienn­es, celle qui a été la seule à connaître « le grand-père et le grand homme » avoue enfin : « Il a tellement souffert depuis deux ans. » Première des gaullistes, yvonne Vendroux a aussi été la dernière gaulliste authentiqu­e. Pendant les jours qui suivent la mort de son mari, elle confie à un proche qu’elle ne se sent plus vivre. ensuite, elle n’aura de cesse de se faire oublier. Contrairem­ent au libérateur de la France, et même si malraux voyait en elle un personnage de tragédie, elle s’est toujours voulue transparen­te et n’a pas besoin de se mettre en règle avec l’Histoire. elle n’a jamais aimé les mondanités, et ne fréquente plus que sa famille. elle refuse les invitation­s privées ou officielle­s, même lors de la visite de la reine d’angleterre en France en 1972. elle dit non à mao, qui a réitéré son invitation après la mort du Général. elle ne s’imagine plus voyager sans Charles. À son petit-fils yves, qui remarque que son regard se perd de plus en plus souvent au loin, par la fenêtre, elle répond tristement : « Tu sais, depuis que mon Charles est parti, tout cela ne m’intéresse plus beaucoup. » elle se souvient de cette formule qu’il érigeait en principe moral : « Vivre, c’est s’en aller. »

Dépouillem­ent ascétique

elle se dépouille jusqu’à l’ascèse. elle a jeté dans l’incinérate­ur, près du poulailler, juste après la mort du Général, tout ce qui lui appartenai­t, pour éviter qu’on en fasse des reliques : ses costumes, dont elle choisissai­t le tissu, ses cravates, qu’elle achetait elle-même, ses chemises blanches ou ses pyjamas, et les mules en cuir pointure 46 qu’elle faisait fabriquer sur mesure en même temps que ses semelles orthopédiq­ues pour éviter que sa blessure de guerre ne le fasse trop souffrir. elle a détruit aussi son matelas et ses affaires de toilette. Puis elle a conscienci­eusement cassé en morceaux le service en porcelaine du petit déjeuner qu’ils prenaient ensemble, chaque matin, dans leur chambre. Celui du thé aussi, qu’ils prenaient, en tête à tête, à cinq heures, presque tous les soirs, même à l’Élysée, jusqu’à ce dernier soir funeste. elle n’a gardé que deux uniformes, pour les musées, et un képi pour marguerite Potel, la gouvernant­e d’anne, que les époux n’ont jamais oubliée. ■

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De Gaulle et les femmes, de Christine Kerdellant, Robert Laffont, 300 p., 20 €.

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