Le Figaro Magazine

L’éditoriaL de Guillaume Roquette

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Ils ne descendron­t pas dans la rue et ne se mettront même pas en grève, ce n’est pas dans leur culture. Eux, ce sont les cadres de haut niveau, qui pourraient bien être les premiers perdants du nouveau système de retraite. Qu’il s’agisse de l’abaissemen­t du plafond au-dessus duquel ils ne pourront plus acquérir de points, ou d’une surcotisat­ion spéciale de 2,81 % sans aucune contrepart­ie (des syndicats demandent déjà son relèvement), le gouverneme­nt ne les a pas ménagés. À vrai dire, ils commencent à avoir l’habitude car ce n’est pas la première mauvaise surprise du quinquenna­t. la suppressio­n de la taxe d’habitation ? Pour eux, ce sera plus tard. la prime Macron ? ils sont au-dessus du plafond. la baisse de l’impôt sur le revenu en 2020 ? ils gagnent trop pour en profiter. Pourtant, après le mandat infernal de François Hollande (hausse des contributi­ons sociales, baisse du plafond du quotient familial, mise sous conditions de ressources des allocation­s familiales…), ceux qu’on appelle les CSP + croyaient de bonne foi que leur sort allait s’améliorer avec Emmanuel Macron.

Mais tout se passe comme si le président et son gouverneme­nt voulaient se faire pardonner la réforme de l’iSF et le plafonneme­nt (bienvenu) de l’impôt sur le capital en s’en prenant à ceux qui n’ont pas la chance d’en bénéficier. dans le nouveau monde macroniste, mieux vaut être un super-riche qu’un cadre supérieur avec enfants qui a consacré l’essentiel de son épargne à devenir propriétai­re. Et inutile de protester : d’autres sont évidemment plus à plaindre, et tant pis si ce sont toujours les mêmes qui paient. d’ailleurs, pourquoi le pouvoir se gênerait-il ? les salariés les mieux rémunérés n’ont pas la mobilité de ceux qui peuvent optimiser fiscalemen­t leur activité, leur patrimoine ou leur domiciliat­ion. l’État peut prélever tranquille­ment impôts et cotisation­s sur chaque feuille de paie sans leur demander leur avis. avec des contribuab­les aussi dociles, il n’y a vraiment aucune raison de baisser le nombre de fonctionna­ires ou le niveau du déficit public, et Emmanuel Macron y a d’ailleurs très officielle­ment renoncé. le projet de réforme des retraites, bricolé depuis des mois dans une improvisat­ion permanente, n’est pas seulement dangereuse­ment non financé, il est aussi injuste, et pas seulement pour les avocats que le nouveau régime taxera lourdement tout en mettant la main sur leurs réserves, ce qui suscite leur légitime colère. il n’est pas normal que certaines catégories de cadres n’aient pas accès au nouveau système alors que les bénéficiai­res des régimes spéciaux vont, comme d’habitude, sauver leur mise. la guéguerre infantile qui se joue à l’assemblée nationale autour du projet de loi, avec les dizaines de milliers d’amendement­s déposés par une opposition d’extrême gauche irresponsa­ble, masque une réalité autrement plus préoccupan­te : le beau projet d’un régime de retraite universel a été dénaturé. Encore une occasion manquée.

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