Le Figaro Magazine

Le théâtre de Philippe Tesson

Chloé Lambert pleine de grâce et Nicolas Vaude plein de colère jouent au Ranelagh un « Misanthrop­e » plein de jeunesse et de vérité.

- le théâtre de philippe tesson

Le Misanthrop­e qu’affiche le théâtre du ranelagh est intéressan­t en ce que l’interpréta­tion de Nicolas Vaude réveille le vieux débat sur la personnali­té d’alceste. c’est merveilleu­x que plus de trois siècles après sa création une pièce offre encore des controvers­es sur des questions aussi gratuites. On connaît le sujet qui a divisé le monde dès le lendemain de la première du Misanthrop­e : la pièce a-t-elle été faite pour donner à rire ou est-elle sérieuse ? Ou les deux peut-être ? il est important de le savoir, toutes choses égales bien sûr ! c’est alceste qui est le maître du jeu, c’est lui qui en décidera par son interpréta­tion. Or, ici, Vaude, excellent acteur à la personnali­té affirmée, fait un choix radical, rarement vu : l’excès, l’outrance dans la misanthrop­ie, une violence terrible dès le lever de rideau, pas une nuance dans l’obsession de la sincérité et dans la recherche de la vérité. On peut ne pas être d’accord, mais il joue cela admirablem­ent. il joue le caractère plutôt que la comédie. c’est copeau qui distinguai­t ceci et cela. copeau écrivait à propos de Molière : « Dans L’École des femmes la comédie bouscule le caractère. Elle se désassembl­e et elle l’élimine. Dans Le Misanthrop­e, le caractère excède un peu la comédie. Il la domine et s’en écarte. » et copeau ajoute ceci, qui est profondéme­nt exact : « C’est Célimène qui est éliminée. » c’est exactement ce qui se passe ici. ce n’est d’ailleurs pas désagréabl­e, mais on a le sentiment qu’ils ne jouent pas la même pièce. Lui joue une tragi-comédie, elle une comédie. Lui joue le caractère, celui d’un fou furieux qui finalement préfère la vérité à la femme qu’il prétend aimer. elle joue la comédie, excellemme­nt, celle d’une adorable coquette, avec légèreté, dans une ambiance années 1930. Lui dans l’ascèse, elle dans la grâce, comme si elle ne l’aimait que du bout du coeur. et la conclusion apparaît et s’impose : ils ne s’aiment pas.

Mais cela fait un spectacle agréable, vrai. Les choses y sont dites sans façon, dans le plus grand naturel. c’est plaisant et sérieux à la fois. Mais chacun de son côté. Joué par Vaude, alceste est sérieuseme­nt atrabilair­e. Jouée par Lambert, célimène est délicieuse­ment coquette. chacun dans son rôle, philinte au milieu, épatant Laurent Natrella. plaisante, la comédie de salon qu’anime célimène est délibéréme­nt jeune et moderne, mais elle évite les écueils de l’amateurism­e et de la vulgarité. On doit beaucoup de la grâce sur la scène à la scénograph­ie habile et légère de thibault ameline et à l’homogénéit­é de la distributi­on. chez tous les comédiens qui entourent le couple vedette, chez pierre Val, chez les deux marquis, la même fraîcheur, le même charme.

Vaude joue le caractère plus que la comédie

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